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Réactions à la révision du Code de la famille : Perspectives et avis sur les réformes royales récentes

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Le roi Mohammed VI a présidé, ce lundi, une séance de travail au Palais royal de Casablanca, consacrée à la révision du Code de la famille. Cette réunion intervient après la présentation du rapport final de la commission chargée de l’amender, comprenant plus de cent propositions de modification.
Lors de cette séance, l’avis religieux du Conseil supérieur des oulémas sur les textes soumis par le roi a été exposé. Les arbitrages royaux ont également été présentés sur des questions ayant suscité des opinions divergentes au sein de la commission, ou nécessitant des ajustements fondés sur les avis religieux. Le souverain a réaffirmé son attachement aux valeurs religieuses et juridiques, tout en soulignant le principe fondamental de « ne pas interdire ce qui est licite ni permettre ce qui est illicite ».
Dans ce contexte, les opinions divergent quant aux amendements attendus du Code de la famille. Politiques, experts et acteurs de la société civile ont partagé leurs visions et attentes concernant ces réformes, qu’ils considèrent comme porteuses de changements significatifs pour les familles marocaines. Ces prises de position reflètent la diversité des points de vue sur les principes devant guider cette révision, oscillant entre respect des fondements religieux et adaptation aux objectifs sociaux modernes, sans oublier les défis liés à l’application concrète de ces amendements.

Ahmed Toufiq : « L’avis du Conseil supérieur des oulémas est conforme à la majorité des 17 questions soumises à l’examen religieux dans le cadre de la révision du Code de la famille

Le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, a affirmé que l’avis du Conseil supérieur des oulémas s’est avéré conforme à la majorité des 17 questions soumises à l’examen religieux dans le cadre de la révision du Code de la famille.

Lors de la séance de travail présidée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, au Palais royal de Casablanca, consacrée à la révision du Code de la famille, le ministre a présenté un exposé devant le Souverain. Il a expliqué qu’après la décision éclairée d’Amir Al-Mouminine de soumettre ces 17 questions à l’examen religieux, le Conseil supérieur des oulémas a émis un avis conforme pour la majorité des points. Pour les autres, il a précisé les moyens permettant leur alignement avec les préceptes de la charia. Cependant, trois questions ont été jugées comme relevant de textes religieux explicites et non sujets à l’ijtihad (interprétation), notamment : le recours à l’expertise génétique pour établir la filiation, l’abandon de la règle de l’agnat (ta’sib) en matière d’héritage, et l’héritage entre musulmans et non-musulmans.

Toufiq, également membre du Conseil supérieur des oulémas, a indiqué que le Conseil a approuvé plusieurs propositions de la commission chargée de la révision, telles que :
- La possibilité pour les Marocains résidant à l’étranger de contracter un mariage sans la présence obligatoire de deux témoins musulmans en cas d’impossibilité.
- L’octroi à la mère ayant la garde des enfants du droit de représentation légale.
- La reconnaissance du travail domestique de l’épouse comme contribution au développement des biens communs pendant le mariage.
- L’obligation pour l’époux de subvenir aux besoins de l’épouse dès la conclusion du mariage.
- L’exclusion du domicile conjugal du patrimoine successoral.
- La priorité donnée aux dettes communes des conjoints sur les autres créances.
- Le maintien de la garde des enfants par la mère divorcée, même après son remariage.

Toufiq a également souligné que les oulémas ont confié à Sa Majesté le Roi, en tant qu’autorité suprême, la décision finale sur ces points, en se basant sur le principe de « l’intérêt public », considéré comme l’objectif ultime de la religion. Cette confiance repose sur la clairvoyance et la sagesse d’Amir Al-Mouminine, qui veille à concilier les constantes religieuses et nationales avec les besoins d’évolution de la société marocaine, tout en renforçant la dignité et les droits de ses citoyens.

Le ministre a exprimé la fierté des membres du Conseil supérieur des oulémas face à l’initiative royale de leur soumettre certains aspects religieux liés à la révision du Code de la famille. Cette démarche reflète l’attachement du Souverain à associer les oulémas aux décisions garantissant la préservation des valeurs religieuses et le rôle central de l’institution d’Amir Al-Mouminine.

Abdellatif Ouahbi : « Les propositions visent à préserver l’esprit réformateur et la stabilité de la famille

Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a affirmé que les propositions soumises par la commission chargée de la révision du Code de la famille à Sa Majesté le Roi Mohammed VI visent à garantir la continuité de l’esprit réformateur qui anime ce texte et à renforcer la stabilité de la famille marocaine.

Lors de la même séance de travail, Ouahbi a précisé, dans un exposé présenté devant le Souverain, que ces propositions visent à traduire la vision royale pour une modernisation du Code de la famille tout en assurant la stabilité des familles marocaines, le renforcement des droits des femmes, la préservation de la dignité des hommes et la prise en compte des intérêts des enfants. Ce processus s’inscrit dans une démarche qui associe l’évolution de la société marocaine à un strict respect des constantes religieuses du Royaume et des engagements internationaux auxquels il a souscrit.

Il a également souligné que les propositions découlent d’une large consultation et couvrent les diverses questions régies par le Code de la famille. Ces réformes visent à corriger certaines lacunes juridiques et judiciaires, à alléger les procédures souvent lourdes, à renforcer le rôle du ministère public et à répondre aux problématiques sociales liées au mariage des mineurs, à la polygamie, à la garde des enfants, à la pension alimentaire, à la tutelle légale et au patrimoine conjugal. Elles traitent également des défis découlant de la dissolution du mariage, en mettant l’accent sur la protection des intérêts supérieurs des enfants.

Le ministre a conclu en rappelant que la commission a accompli sa mission dans les délais impartis, conformément aux orientations contenues dans la lettre royale adressée au Chef du gouvernement. Celle-ci définissait les principes directeurs, les objectifs prioritaires et les domaines d’intervention de cette réforme, tout en insistant sur l’importance du dialogue, de la concertation et de l’écoute des différents acteurs institutionnels, politiques, syndicaux, associatifs, juridiques et académiques.

Loubna Srhiri: « Les recommandations royales sur le Code de la famille incarnent la sagesse et placent la famille marocaine au centre des priorités »

Loubna Srhiri, membre de la Commission permanente de la justice et de la législation à la Chambre des représentants, a salué le communiqué du Cabinet royal relatif au Code de la famille, qu’elle considère comme étant publié à un moment opportun. Elle a qualifié ces recommandations de véritables « marques de sagesse royale » attendues par les acteurs concernés et l’ensemble des Marocains.

Srhiri a souligné que les orientations royales adressées au Conseil supérieur des oulémas et au ministère de la Justice, chargés de la révision du Code, insistent sur la nécessité d’adopter des amendements conformes à la charia islamique tout en s’inscrivant dans une approche de modération et d’équilibre, loin de tout extrémisme ou radicalisme.

Elle a également mis en avant le rôle du Maroc en tant que modèle dans le monde arabe et passerelle vers l’Afrique, faisant de toute réforme législative entreprise dans le pays une référence pour d’autres nations.

Selon Srhiri, ces recommandations mettent la famille marocaine au cœur des préoccupations du Code, en insistant sur le renforcement de l’unité familiale et la protection des enfants, plutôt que de favoriser un parti au détriment d’un autre, qu’il s’agisse de l’homme ou de la femme.

Elle a ajouté que ces recommandations ne s’adressent pas uniquement aux ministères de la Justice et des Habous et Affaires islamiques, mais incluent également le ministère de la Solidarité, de l’Insertion sociale et de la Famille, en tant que partenaire clé. Elle a également souligné l’importance du rôle de la société civile, qu’elle a qualifiée de « porte-parole de la société », et insisté sur sa participation active dans l’élaboration des textes juridiques liés au Code.

Pour conclure, Loubna Srhiri a salué les efforts du ministère des Habous, qui a pris en compte l’intérêt général en proposant des ajustements alignés avec les principes de modération et d’équilibre.

Abdellah Bouanou : « Le Roi a écouté toutes les parties et respecté la charia ainsi que les valeurs universelles dans la révision du Code de la famille »

Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement, a affirmé que le communiqué royal concernant la révision du Code de la famille reflète la volonté du Roi Mohammed VI d’écouter toutes les parties sans prendre parti pour l’une d’elles, tout en respectant la charia, notamment le principe selon lequel « ce qui est licite ne peut être interdit et ce qui est interdit ne peut être légalisé ».

Bouanou a exprimé sa grande confiance en le Roi, surtout grâce à l’implication du Conseil supérieur des oulémas dans ce processus, ce qui garantit que les modifications proposées resteront conformes aux principes de la charia islamique. Il a également expliqué que le communiqué royal repose sur quatre principes fondamentaux : la justice, l’égalité, la solidarité et l’harmonie. Ces principes s’inspirent à la fois de la référence religieuse et des valeurs universelles.

Il a insisté sur l’importance d’attendre la version complète de la révision du Code avant d’émettre un avis détaillé, tout en mettant en avant que l’effort d’interprétation religieuse (ijtihad), guidé par le principe « la fatwa évolue en fonction de l’intérêt », offre des solutions répondant aux besoins des familles dans le respect des fondements de la doctrine malikite.

Bouanou a également noté la symbolique du choix du siège de l’Académie du Royaume du Maroc pour présenter les grandes lignes de cette révision, estimant que ce lieu reflète la neutralité et la rigueur méthodologique adoptées par la commission chargée des réformes.

Pour conclure, il a souligné que, malgré sa brièveté, le communiqué royal contient plusieurs principes fondamentaux témoignant d’une approche globale et équilibrée pour traiter un sujet aussi crucial.

Hassan Balouane: « La réforme du Code de la famille, un enjeu commun reflétant les aspirations du peuple et de la société marocaine »

Hassan Balouane, expert en relations internationales, a affirmé que la révision du Code de la famille répond à des revendications sociétales exprimées par des organisations, partis politiques, et acteurs sociaux et juridiques. Il a souligné que le Roi Mohammed VI, en tant que symbole d’une monarchie citoyenne, a veillé à répondre aux attentes des Marocains en désignant une commission supérieure pour élargir les consultations autour des lois relatives à la famille, en intégrant divers organismes.

Balouane a précisé que, malgré les avancées législatives, dont la Constitution consacrant le principe de parité, le Code de la famille adopté il y a plus de vingt ans n’a pas pleinement atteint les objectifs royaux en matière d’autonomisation des femmes.

Selon lui, la mise à jour prévue s’inscrit dans une feuille de route royale fondée sur une approche participative, intégrant les institutions religieuses, civiles, politiques et les experts. Il a insisté sur le fait que le Code continuera de respecter le principe fondamental : « Ne pas interdire ce qui est licite et ne pas permettre ce qui est illicite », qui était déjà à la base de la version de 2004 et restera présent dans celle de 2024.

Sur le plan politique, Balouane a expliqué que cette réforme intervient dans un contexte marqué par des ambitions nationales et internationales croissantes. Le Maroc, en tant qu’acteur mondial influent, cherche à moderniser son cadre législatif social pour répondre aux évolutions de l’époque, notamment en matière de droits des femmes et de justice sociale.

Il a ajouté que les circonstances politiques actuelles, notamment la stabilité d’une majorité parlementaire confortable et l’apaisement des tensions qui avaient marqué l’adoption du Code de 2004, favorisent la création d’un consensus autour de cette réforme. Cela confère à ce projet un caractère d’enjeu commun entre les forces politiques et la société civile.

Balouane a noté que le projet de révision du Code de la famille, étant une initiative royale, bénéficie d’un large soutien, tant de la majorité que de l’opposition parlementaire, bien que certaines réserves puissent émerger. Il a souligné que la nature du projet, mêlant enjeux juridiques et religieux, place l’institution d’Imarat Al-Mouminine (Commanderie des Croyants) en tant qu’autorité suprême pour garantir son alignement avec la charia et les aspirations sociétales.

En conclusion, il a affirmé que toutes les conditions sont réunies pour l’adoption de cette loi, qui reflète une volonté commune et met en avant les droits des femmes et de la famille dans une vision globale et cohérente.

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Khalid Chiat : « Une transition législative entre la référence religieuse et les engagements internationaux »

Khalid Chiat, expert en droit international, a déclaré que le passage du Code de la famille à l’étape législative et la mise en place du projet de texte juridique marquent une transition vers une initiative législative concrète, conformément aux procédures légales et aux dispositions constitutionnelles en vigueur.

Chiat a expliqué que cette étape met fin à celles qui l’ont précédée, telles que les débats sociétaux, l’arbitrage royal, et la consultation du Conseil supérieur des oulémas, ainsi que d’autres étapes connexes.

Il a précisé que cette phase repose, d’un point de vue théorique et conceptuel, sur deux volets essentiels. Le premier est la dimension religieuse, qui s’inscrit dans le cadre de l’Imarat Al-Mouminine, en respectant le principe fondamental selon lequel « ce qui est licite ne peut être interdit et ce qui est interdit ne peut être permis ».

Le deuxième volet, selon lui, consiste en une formulation qui doit être conforme aux engagements internationaux du Maroc. Ces engagements, ancrés dans le préambule de la Constitution, privilégient la primauté du droit international sur le droit national. En conséquence, les conventions internationales ratifiées par le Maroc deviennent une référence clé en matière de droits humains, intégrant un cadre universel dans cette problématique.

En conclusion, Chiat a indiqué que pour l’instant, seuls les aspects formels peuvent être évoqués, en attendant la publication officielle du document relatif au Code de la famille et son entrée dans la phase législative, où il sera soumis au Parlement pour un débat institutionnel conformément aux dispositions constitutionnelles.

Hanane Rahhab : « Le communiqué du Cabinet Royal, une victoire pour une lecture progressiste conforme aux objectifs de la religion et des droits humains »

Hanane Rahhab, présidente de l’Organisation des femmes ittihadies, a souligné que le communiqué du Cabinet Royal sur la révision du Code de la famille met en avant l’importance de l’Ijtihad (effort d’interprétation) pour s’adapter aux évolutions de l’époque. Elle a considéré cela comme une indication claire d’une approche progressiste des objectifs de la religion islamique, s’appuyant sur les principes de justice, d’égalité, de solidarité et d’harmonie, tels que mentionnés dans le communiqué.

Rahhab a précisé que la référence à l’école juridique marocaine, dans l’intervention du ministre des Habous et des Affaires islamiques, reflète une utilisation étendue du concept de *masalih mursala* (intérêts publics non explicitement mentionnés dans les textes religieux), revendiqué par les forces progressistes pour harmoniser les objectifs de la charia avec les conventions internationales relatives aux droits humains.

Elle a également salué l’orientation royale visant à élaborer des amendements explicites pour limiter les divergences dans l’interprétation judiciaire, garantissant ainsi des décisions homogènes pour des cas similaires, contrairement à la situation précédente.

Rahhab a mis en avant la symbolique de la participation des ministres à la séance de travail royale. Le ministre de la Justice y a présenté les conclusions du comité chargé de la révision du Code, tandis que le ministre des Habous a exprimé l’avis du Conseil supérieur des oulémas. Elle a estimé que cette organisation reflète le respect du processus législatif ordinaire, jusqu’à son adoption parlementaire, renforçant ainsi la démocratie représentative.

En conclusion, Rahhab a affirmé que le Code de la famille, bien qu’il s’appuie sur les principes de l’islam, n’est pas un texte sacré mais une œuvre humaine susceptible d’être enrichie et modifiée à mesure que les besoins l’exigent.

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Samira Mohia: « Adopter des interprétations positives en adéquation avec les besoins et évolutions de l’époque »

Dans le même contexte, la Fédération de la Ligue des Droits des Femmes a appelé, dans un communiqué publié après une séance publique dédiée à l’écoute des témoignages féminins, à adopter des interprétations positives qui répondent aux besoins actuels et aux évolutions de l’époque. Elle a exhorté à produire une nouvelle lecture humaniste basée sur les réalités contemporaines et les exigences du XXIe siècle.

La Fédération a invité le Conseil supérieur des oulémas à prêter attention aux réalités actuelles et à écouter la voix des femmes, exprimée lors des séances publiques et des diverses campagnes de plaidoyer en faveur de la réforme du Code de la famille. Elle a plaidé pour un Ijtihad constructif, fondé sur une relecture des textes religieux à la lumière des réalités contemporaines.

Le communiqué a insisté sur la nécessité de faire du texte légal relatif à la famille une législation vivante, réaliste et respectueuse des droits humains, en adéquation avec les dispositions constitutionnelles et les conventions internationales ratifiées par le Maroc.

La Fédération a également appelé à accélérer les révisions globales de plusieurs autres lois, notamment celles relatives au domaine familial, en supprimant toutes les dispositions discriminatoires pour garantir un accès effectif à la justice. Parmi les priorités figurent la réforme du Code de procédure civile, de la loi sur l’aide juridictionnelle, et l’adoption d’un Code du droit international privé, ainsi que des révisions des lois sur la nationalité et le Code pénal.

Elle a également insisté sur l’importance d’allouer un budget suffisant pour mettre en œuvre les dispositions du nouveau Code de la famille, en lançant des campagnes de sensibilisation dans toutes les régions, urbaines et rurales, ainsi qu’auprès des Marocains résidant à l’étranger et des étrangers vivant au Maroc.

En conclusion, la Fédération a souligné la nécessité de renforcer les capacités des acteurs de la justice, de généraliser les tribunaux de la famille, et d’intégrer une approche basée sur les droits humains dans les politiques publiques et leur mise en œuvre pratique.

Le Roi Mohammed VI a confié, le vendredi 28 juin 2024, le dossier de la réforme du Code de la famille aux savants religieux, en transmettant les propositions reçues pour qu’ils émettent des avis religieux. Cette décision intervient après plusieurs mois de débats intenses entre modernistes et conservateurs autour des questions soulevées dans le cadre de ce chantier de réforme.

K.S

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