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La Commission européenne a franchi une nouvelle étape dans sa politique migratoire en inscrivant le Maroc, la Tunisie et l’Égypte sur sa première liste commune de pays d’origine dits « sûrs ». Cette désignation, introduite dans le cadre du pacte sur la migration et l’asile adopté en mai 2024, vise à accélérer le traitement des demandes jugées infondées. Concrètement, les dossiers des ressortissants de ces pays devront désormais être examinés en un maximum de trois mois, contre six précédemment.
Présentée par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, cette initiative a été particulièrement bien accueillie par l’Italie. La Première ministre Giorgia Meloni y voit une validation de l’orientation prise par son gouvernement : « C’est une nouvelle confirmation de la bonne direction suivie par l’Italie ces dernières années, ainsi que du soutien croissant d’autres pays européens. L’Italie joue un rôle clé dans la redéfinition de la politique migratoire de l’UE », a-t-elle déclaré.
L’objectif affiché est de renforcer l’efficacité du système d’asile européen, notamment face aux demandes perçues comme abusives. Un haut responsable de la Commission, cité par Le Point, explique : « Il s’agit d’être plus efficaces dans le traitement des demandes d’asile potentiellement infondées déposées par des ressortissants de pays tiers arrivant dans l’UE. »
Fait notable : l’Algérie ne figure pas sur cette première liste. Une absence que la Commission justifie par des critères techniques et non politiques. Selon un responsable européen, l’un des critères retenus est un taux de reconnaissance de l’asile inférieur à 20 %, un seuil que l’Algérie dépasse actuellement.
Aux côtés des trois pays nord-africains, quatre autres États ont été ajoutés à cette liste : le Kosovo, la Colombie, le Bangladesh et l’Inde. Leur désignation repose sur une analyse du volume de migrants irréguliers issus de ces pays, conjuguée à des taux de reconnaissance de l’asile très faibles, souvent inférieurs à 5 %. En 2024, ces pays représentaient à eux seuls environ 237 000 demandes d’asile, dont plus de 50 000 pour la Turquie et la Colombie chacune, près de 43 000 pour le Bangladesh, et plus de 25 000 pour l’Égypte et le Maroc.
La présence de la Tunisie sur cette liste soulève toutefois des critiques, notamment en raison de la situation des libertés publiques dans le pays. Des voix se sont élevées contre l’incarcération de journalistes et d’opposants. La Commission européenne affirme avoir pris en compte ces éléments, tout en précisant que les personnes vulnérables continueront de bénéficier d’un examen approfondi et individualisé de leur situation.
Bruxelles insiste : ce nouveau mécanisme n’enlève en rien aux droits fondamentaux des demandeurs d’asile. « Chaque demande sera examinée sur le fond, selon les règles du pacte. En cas de rejet, la personne concernée pourra contester la décision devant un tribunal, comme dans toute autre procédure », précise la Commission. Le concept de pays d’origine sûr n’implique en aucun cas une garantie absolue de sécurité pour tous les ressortissants : chaque situation pourra être évaluée de manière individuelle.
Il est également important de noter que cette liste commune ne remplace pas les listes nationales déjà en vigueur dans plusieurs États membres. La France, par exemple, y ajoute des pays comme le Cap-Vert, le Ghana ou la Mongolie. Cette cohabitation permet aux pays de conserver une certaine marge d’action tout en s’alignant sur un socle européen partagé.
Pensée comme un outil évolutif, cette liste pourra être ajustée si les conditions dans l’un des pays venaient à se dégrader. « Ces sept pays ont été choisis car ils représentent actuellement des priorités migratoires, mais le contexte peut évoluer rapidement », souligne un haut responsable de la Commission.
Enfin, la Cour de justice de l’Union européenne doit prochainement se prononcer sur la légalité même du concept de pays d’origine sûr. L’avocat général Jean Richard de la Tour a estimé qu’un État membre peut adopter cette désignation par voie législative, à condition de rendre publiques les sources sur lesquelles elle s’appuie. Pour la Commission, cette démarche répond à une urgence politique face à l’augmentation constante des flux migratoires en Méditerranée.