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Au Maroc, une analyse approfondie des relations politiques avec la France anticipe une victoire diplomatique potentielle à travers la reconnaissance de la marocanité du Sahara par un gouvernement du Rassemblement National.
Cette perspective suscite une fascination médiatique pour l'extrême droite française, occultant son passé autoritaire et son héritage historique. Une partie de la presse marocaine affirme fermement que l'accession probable du Rassemblement National au pouvoir en France serait bénéfique pour le Maroc, notamment en ce qui concerne la question du Sahara.
Ces arguments reposent sur les analyses favorables d'ardents soutiens de l'extrême droite comme Bernard Lugan, historien nostalgique de la colonisation française, et Aymeric Chauprade, ancien eurodéputé du Front National, bien que délaissé par Marine Le Pen malgré ses vues islamophobes. Ils se fondent également sur les prises de position répétées d'Eric Ciotti en faveur de la reconnaissance éventuelle de la marocanité du Sahara.
Cependant, ces médias marocains enthousiastes omettent délibérément de mentionner les possibles répercussions négatives de cette "offrande" pour le Maroc. Pour paraphraser Alexandre Dumas, les relations entre nations sont déterminées non par des sentiments mais par des intérêts. Ce qui reste certain, c'est la clarté et la détermination des dirigeants du Rassemblement National, en particulier du candidat à Matignon, quant à leurs exigences envers les pays d'origine des immigrés en France. En septembre 2021, le président Macron avait drastiquement réduit de moitié les visas accordés aux Marocains en représailles au "manque de coopération" de Rabat dans la gestion des migrants marocains en situation irrégulière, provoquant un refroidissement des relations diplomatiques et une indignation profonde au Maroc, où des individus se trouvaient sanctionnés pour une discorde entre gouvernements.
Jordan Bardella a intensifié ces mesures en novembre 2021, en demandant sur CNews, en compagnie de Jean-Marc Morandini, condamné pour harcèlement sexuel et corruption de mineurs, non seulement l'arrêt total de l'octroi de visas mais également une interruption drastique de l'aide au développement aux pays maghrébins refusant de rapatrier leurs ressortissants. À noter que le Maroc est le principal bénéficiaire des fonds de l'Agence Française de Développement (AFD), avec une exposition atteignant 3,7 milliards de dollars fin 2021. En outre, Jordan Bardella a menacé de bloquer les transferts d'argent des Marocains résidant en France si le royaume hésite à reprendre ses ressortissants indésirables.
Il serait naïf de croire qu'un gouvernement autoritaire d'extrême droite en France défendra les intérêts du Maroc sans attendre en retour des concessions significatives. Un tel gouvernement, élu sur une plateforme hostile à l'égard des étrangers, s'efforcera de déporter les immigrés clandestins et mettra en péril la situation des résidents réguliers ayant perdu leur emploi, ainsi que des binationaux travaillant dans le secteur public ou dans des entreprises assurant des missions de service public. Face à cette brutalité politique d'une droite extrême autoritaire opposée aux Marocains de France, le Maroc risque de subir des répercussions non seulement politiques et sociales, mais aussi économiques et financières.
Jordan Bardella s'est montré catégorique envers les pays du Maghreb, y compris le Maroc : "C'est une question de rapport de force, la France doit imposer le respect !" Les médias marocains, qui paraissent accorder une crédibilité excessive aux discours intéressés de deux figures marginales de l'extrême droite, éprouvent des difficultés à appréhender la centralité des rapports de force en politique internationale.