Le Maroc s’apprête à franchir un cap important dans la régulation du numérique. Un projet de loi ambitieux est en cours de finalisation pour encadrer les plateformes numériques, y compris les réseaux sociaux, en instaurant des obligations claires en matière de transparence, de responsabilité et de fiscalité.
Présenté par le ministre de la Culture, de la Jeunesse et de la Communication, Mohammed Mehdi Bensaïd, devant la Commission de l’enseignement, de la culture et de la communication à la Chambre des représentants, ce texte vise à protéger le tissu social tout en luttant contre les dérives numériques, sans porter atteinte à la liberté d’expression.
Un cadre juridique structurant inspiré du modèle européen
Le futur dispositif s’inspire des législations les plus avancées, notamment le Digital Services Act de l’Union européenne. Il introduira une définition claire de la notion de « plateforme numérique » et imposera aux opérateurs des obligations strictes, qu’il s’agisse de transparence, de signalement ou de responsabilité légale.
Toute plateforme ciblant le public marocain ou générant des revenus publicitaires sur le territoire devra désigner un représentant légal basé au Maroc. Celui-ci sera l’interlocuteur officiel des autorités en cas de litige ou de demande d’intervention.
Des pouvoirs renforcés pour la HACA
La Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) verra ses prérogatives renforcées. Elle sera désormais habilitée à surveiller les contenus diffusés sur les plateformes, même si celles-ci ne disposent pas d’un siège physique dans le Royaume.
La HACA pourra également ordonner la suppression ou la restriction de contenus illicites, notamment ceux incitant à la haine, au racisme, à la violence, à la désinformation ou à l’extrémisme.
Mieux protéger les mineurs et les publics vulnérables
La protection des mineurs constitue l’un des axes centraux de ce projet de loi. Il prévoit l’instauration de systèmes de classification des contenus par âge, l’activation obligatoire des contrôles parentaux, l’interdiction des publicités jugées nuisibles ou manipulatrices, ainsi que la suppression des contenus susceptibles de porter atteinte au développement psychologique des enfants.
Une dimension fiscale assumée
Au-delà de la régulation des contenus, le projet introduit des exigences fiscales pour les plateformes. Celles-ci devront déclarer leurs revenus générés au Maroc et coopérer avec les institutions concernées, notamment la Direction générale des impôts (DGI), Bank Al-Maghrib et l’Office des changes.
L’objectif est de mettre fin à l’évasion fiscale des géants du numérique qui réalisent des profits sur le marché marocain sans y contribuer équitablement, et de rétablir une concurrence saine avec les acteurs locaux.
Vers une modération proactive et une autorégulation renforcée
Le texte impose aux plateformes la mise en place de systèmes de modération automatisée capables de détecter en temps réel les contenus problématiques : discours haineux, fausses informations, publications inappropriées pour les jeunes ou incitations à des comportements dangereux.
L’ambition affichée est claire : responsabiliser les opérateurs numériques, prévenir les dérives avant qu’elles ne se propagent et garantir un environnement numérique plus sûr et plus respectueux des valeurs sociales.
Un tournant dans la souveraineté numérique du Royaume
À travers cette loi, le Maroc affirme sa volonté de reprendre le contrôle sur son espace numérique. En rejoignant les pays qui imposent des normes rigoureuses aux grandes plateformes, le Royaume entend protéger ses citoyens, garantir la justice fiscale et affirmer sa souveraineté face aux géants du web.