mercredi, décembre 6, 2023

Ouahbi: une communication de crise ratée

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Enchainant les polémiques, le ministre de la justice et secrétaire général du Parti Authenticité et Modernité (PAM) Abdellatif ouahbi, s’est mis à dos l’opinion publique, Depuis sa nomination, le ministre n’en finit avec une polémique que pour en créer une autre. La dernière en date est celle liée aux résultats de l’examen d’aptitude à la profession d’avocat.

Tout a commencé après que le ministre de la Justice a lancé : « Mon fils a obtenu deux licences à Montréal, son père est un homme riche qui a pu financer ses études à l’étranger », depuis, une campagne internet fait rage demandant la démission de Ouahbi, sur fond de rumeurs au sujet de son limogeage.

L’année commence mal pour le département de la justice, des dizaines de candidats ayant échoué à l’examen écrit d’admissibilité à l’exercice de la profession d’avocat ont tenu un sit-in devant le parlement, non admissibles à l’examen oral, ils réclament l’ouverture d’une enquête, et demandent l’intervention du Ministère public, et même celle du roi Mohammed VI. Leur mot d’ordre : « invalider les résultats de l’examen écrit ».
Sur les réseaux sociaux, les fake-news font des ravages. Profitant de sa présence sur le plateau de 2M, Abdellatif Ouahbi a tenu à démentir les informations faisant état de son supposé départ du gouvernement.

«Je suis encore ministre. Je ne vais pas présenter ma démission à cause d’une petite tempête et je suis encore le secrétaire général du PAM», a-t-il lâché, ajoutant «qu’il ne va pas céder dès la première difficulté».

Interrogé sur le manque de soutien du gouvernement, le ministre a affirmé «qu’il s’agit de sa propre bataille», soulignant que le chef du gouvernement lui apporte tout son soutien. «Nous sommes un gouvernement harmonieux», a-t-il poursuivi.
Depuis le début de cette affaire, les voix s’élèvent pour demander le départ de Ouahbi. Sur les réseaux sociaux, l’opinion publique continue de faire pression avec des messages qui l’appellent à quitter son poste.

Pour rappel, l’article 47 de la constitution marocaine précise que « le Roi peut, à son initiative, et après consultation du Chef du gouvernement, mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement. Le Chef du gouvernement peut demander au roi de mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres de gouvernement, du fait de leur démission individuelle ou collective »

La communication politique a pour rôle de rassurer et de redonner confiance pour apaiser les esprits, notamment dans un pays où le fossé entre riches et pauvres ne cessent de s’agrandir. Or, ce n’est pas le processus qu’adopte Abdellatif Ouahbi dans la gestion de cette crise et surtout après ses déclarations au sujet des allégations de « corruption » et de « favoritisme » qui auraient entaché le concours des avocats.

À chaque prise de parole, il nourrit encore plus la polémique. Il essaye en effet de dire des choses, mais cela ne passe pas. Par conséquent, l’opinion publique ne voit plus sa communication pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle est accusée de cacher, il n’y a rien de la communication de crise qui n’a été appliqué. Avec les bourdes qu’il cumule, il se met tout seul en difficulté.

Il aurait pu donner des réponses claires, de façon calme et sereine, plutôt que d’être dans l’offensif qui ne fait qu’aggraver sa situation. Et si Abdellatif Ouahbi procède à des recadrages réguliers de ses détracteurs, la crédibilité perdue au début de cette crise continue à plomber sa communication. Les erreurs furent cette fois encore multiples, au point de pousser ses partisans à adopter la méthode du silence radio.
Cela oblige donc à un changement de cap radical de son approche et de sa stratégie, qui, pour l’instant, ne sont pas appropriées.

Les effets d’une communication défaillante sont bien là, embarrassant aussi bien le gouvernement que le Parti authenticité et modernité (PAM), dont il est le secrétaire général. «Ce dernier serait aujourd’hui isolé politiquement de l’appareil organisationnel du parti et de sa direction», fait remarquer le quotidien » dans son édition du mardi 10 janvier.

«L’isolement politique n’est pas seulement appliqué par la direction du parti et son appareil organisationnel, mais également par ceux qui étaient considérés comme des proches du secrétaire général du parti», font savoir les sources du quotidien. Ces derniers, ajoutent les mêmes sources, «ne lui répondent plus au téléphone et n’acceptent plus ses communications téléphoniques».

Avec son franc-parler et son goût pour le débat frontal, Abdellatif Ouahbi fait partie de ces personnalités politiques volubiles et parfois bavardes. Il sait pourtant que ceux qui durent en politique ont le verbe mesuré et sont économes de leurs mots.

Tout le monde le reconnaît et personne ne peut nier la volonté d’Abdellatif Ouahbi de moderniser le fonctionnement de la Justice, de consolider les droits des femmes, de protéger les libertés individuelles contre l’hypocrisie des textes et de la société, de limiter l’incarcération abusive et la remplacer par des peines alternatives, d’améliorer les conditions de la garde à vue, de protéger la vie privée et le droit à l’image, de contenir les dérives néfastes des réseaux sociaux… C’est très louable et ça correspond aux convictions d’un ministre qui n’a pas sa langue dans sa poche –pour le meilleur comme pour le pire.

Tout cela est positif, mais compte tenu de sa communication, il aura toujours des contradicteurs, même pour ses réformes les plus utiles. Il ne pourra appliquer son programme que dans le cadre de la concertation. La démarche du bras de fer avec un perdant total et un gagnant total n’est plus acceptée en politique.

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