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Ceux qui suivent de très près l’évolution de la relation entre la France et l’Algérie auraient bien aimé savoir dans quelle posture le président Emmanuel Macron a lu le brûlot choc publié par le journal Le Figaro de l’ambassadeur Xavier Driencourt.
Comme une petite souris dans le bureau présidentiel, ils auraient bien aimé observer les réactions du président Macron à la lecture du terrible réquisitoire de l’ambassadeur Driencourt contre le bilan du président Tebboune et son ambition de prolonger sa mainmise sur les institutions de l’Etat algérien pour un second mandat.
Était ce le Macron qui avait reconnu dans des propos rapportés par le journal Le Monde que le régime politico-militaire algérien n’avait d’autres projets que l’exploitation d’une rente mémorielle ou le Macron qui s’est échiné au cours de sa visite et celle de son gouvernement à apporter de l’aide à ce même régime pour l’empêcher de sombrer.
Sans aucun doute, Emmanuel Macron est, au fond de ses convictions, en accord total avec le terrible diagnostic dépeint par l’ambassadeur Driencourt, lui même ayant déjà fait allusion à la prise d’otage du président Tebboune par le serial militaire algérien. Mais la politique qu’il mène à l’égard de l’Algérie est dictée par d’autres considérations.
L’importance du réquisitoire de Xavier Driencourt contre le régime algérien provient de l’identité prestigieuse de l’auteur. Il ne s’agit pas de l’œuvre d’un opposant radical excité par sa haine contre le système algérien, ni la charge d’un gauchiste trotskyste qui veut régler ses comptes idéologiques avec les rentiers de la mémoire algérienne.
Il s’agit d’un diplomate chevronné, fin connaisseur du serial algérien, qui sait l’importance du verbe politique et de la référence historique. Un homme froid dans sa démarche, rationnel dans son approche et dont l’analyse est basée sur des données objectives et une expérience solide du terrain.
Son diagnostic sur les réalités algériennes et leurs impacts sur le destin français est d’une grande lucidité . Il va certainement influencer la vision et la politique que la France d’Emmanuel Macron est entrain d’élaborer à l’égard de ce pays. La diplomatie française ne pourra plus faire comme si les enjeux et les dangers d’un éventuel soutien français à un second mandat de Tebboune étaient insignifiants. Que Paris continue de parier sur un régime suicidaire, pyromane, une dictature militaire au fonctionnement mafieux basé sur la prédation économique, est une démarche que de nombreuses voix interpellent avec force aujourd’hui.
Autre interrogation qui concerne l’attitude éditoriale du journal Le Figaro. En à peine quelques semaines d’intervalle, le journal préféré des milieux d’affaires français, s’est livré à deux grandes opérations de communication politique sur l’Algérie. La première, le 30 décembre dernier, sans crier gare et presque comme un cheveu sur la soupe, il publie une grande interview du président algérien, Abdelmajid Tebboune. Ce dernier s’est livré à une grande opération de séduction en direction de Paris, tentant de paver la route à un soutien français à son projet d’un second mandat à la tête de l’Algérie. La seconde concerne la publication d’une tribune fracassante de l’ambassadeur Xavier Driencourt où il fait le constat que la crise du pouvoir algérien va entraîner la France dans sa chute.
Une des personnalités qui connaît le plus les méandres de la relation entre Alger et Paris tire une sonnette d’alarme. La France doit avoir une autre politique à l’égard du régime algérien que celle de la complaisance et de la connivence. L’ambassadeur Driencourt met la diplomatie française dans un énorme embarras.
Ou elle prend ses distances avec les pratiques de ce pouvoir, prédation économique et violations systématiques des droits les plus élémentaires des Algériens, ou elle continue dans son aveuglement et s’acoquine avec la mentalité mafieuse des miliaires algériens et risque de sombrer avec sa chute. Emmanuel Macron est sommé par cette tribune du Figaro de rectifier sa vision et sa politique à l’égard de l’Algérie.
Va-t-il le faire ? Rien n’est moins sûr, tant la volonté du président Macron de réaliser une performance dans l’histoire de la réconciliation mémorielle entre les deux pays est forte.
Il n’en demeure pas moins que la conclusion de cette tribune de l’ambassadeur Driencourt porte un impitoyable constat : L’Algérie reste un problème pour la France, elle s’effondre, mais risque d’entraîner Paris dans sa chute.
La IVe République est morte à Alger, la Ve succombera-t-elle à cause d’Alger?.
Article de Mustapha Tossa, journaliste éditorialiste franco marocain, publié sur Hespress, le 13 janvier 2023.