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La nouvelle loi française «immigration métiers en tension» ne risquerait-elle pas d’accélérer davantage la fuite des cerveaux maghrébins ?
En effet, en France, la pandémie du Covid-19 a révélé une réalité incontestable de la présence de la main d’œuvre qualifiée étrangère en provenance du Maghreb et de quelques pays africains. Une situation qui risque de s’intensifier suite à la réforme de la retraite qui connait désormais une opposition voire un refus ferme de toute la main d’œuvre française, toutes catégories et tous secteurs confondus. Une sorte d’assassinat institutionnalisé que les observateurs et les chroniqueurs du marché de l’emploi considèrent comme un frein principal à l’emploi.
Cependant, au lieu d’engager un dialogue franc et convaincant avec les syndicats prendre les impopulaires mais nécessaires mesures de fond qui permettraient de remettre les pour remettre les choses dans l’ordre, le gouvernement français ne cesse d’encourager les élites maghrébines à quitter leur continent où elles sont pourtant indispensables, afin de venir s’employer en France.
«Nous avons la volonté de simplifier l’accès au territoire pour des compétences particulières, dont l’économie a besoin», a ainsi annoncé Olivier Dussopt, ministre français du Travail, le mercredi 2 novembre 2022, dans un entretien au journal Le Monde.
Un déclaration que justifie entre-autre une étude ldu Global Talent Comptitiveness.net pour constater cette hémorragie des talents que le Maghreb va automatiquement subir. Dès lors, et toujours selon ce rapport, certains continuent à garder leurs cadres dont l’Algérie classée à la 105° place sur 125 pays, le Maroc la 100° et la Tunisie la 84°.
La loi «immigration métiers en tension» va donc servir de déversoir des compétences de ces trois pays vers la France, alors que des dizaines de milliers de cadres ont déjà été déjà perdus par ces derniers, soit, selon les études, au moins 30% du total de leur «matière grise».
On estime qu’en 2022, 60.000 cadres supérieurs maghrébins étaient ainsi employés ailleurs que dans leurs pays respectifs, dont 6000 Tunisiens (2300 ingénieurs, 1000 médecins, 2300 enseignants-chercheurs et 450 informaticiens). Le Maroc, qui perd quant à lui des dizaines de médecins par an, connaît un déficit global de plusieurs dizaines de milliers de cadres médicaux partis exercer à l’étranger (Syndicat marocain des médecins, avril 2022).
En 2021, les médecins exerçant en France et titulaires de diplômes étrangers hors Union européenne, étaient à 31,5% originaires d’Afrique du Nord, dont 22,2% d’Algérie, 5,8% du Maroc, 2,5% de Tunisie et 1% d’Egypte. Ces chiffres ne tiennent pas compte des médecins maghrébins ayant obtenu des diplômes français.
Avec le plus grand cynisme, les pays du Nord «importent» donc des personnels médicaux d’un continent qui, en moyenne globale, compte moins de 15 médecins pour 100 000 habitants, pour les installer dans des pays qui, comme la France, en comptent 380 pour 100 000 habitants… (Center for Global Development CGD).
En 2020-2021, la France accueillait 91 064 étudiants venus du Maghreb, dont 46 371 Marocains, 31 032 Algériens et 13 661 Tunisiens. Il est naturellement tout à fait essentiel et même hautement enrichissant réciproquement que des étudiants maghrébins puissent venir se former en France. Cependant l’obligation de retour au terme de leurs études devrait être la Loi. En cas de non-retour, c’est en effet la matière grise de leurs pays respectifs qui est en quelque sorte perdue car sont offerts au marché des hommes et des femmes nécessaires à leurs pays et qui seront employés ailleurs que chez eux.
Le phénomène ne touche pas que le milieu médical. Bien des officines ou intermédiaires vivent en effet de l’achat de sportifs. Une pratique connue et observable par tous, notamment dans le domaine du football comme l’a démontré Maryse Ewanjé-Epée, dans son livre Les Négriers du foot (Editions du Rocher, 2010), ou encore dans celui de l’athlétisme.
Il serait donc temps pour les pays de l’Afrique du nord de se pencher sur cette fuite des cerveaux et des cadres de haut niveau dont ils ont besoin pour assurer un développement sectoriel. Une vision qui garantirait à ces compétences une bonne situation financière afin de les retenir dans leurs pays d’origine et contribuer d’une manière directe à une croissance économique, socioculturelle et politique. Un levier indéniable si bien pour la souveraineté de l’Afrique que pour son autonomie et autosuffisance alimentaire et technologique dont on ne cesse de réclamer dans des séminaires, des congrès et finalement des sommets de haut niveau.
ML