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Guerre médiatique entre le Maroc et l’Algérie : où mène-t-elle ?

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Depuis un bout de temps, le Maroc et l’Algérie sont rentrés dans une guerre sans merci du récit, propagée par les réseaux sociaux et des médias des deux pays, haussant la tension entre les deux gouvernements et influençant une partie de la population voire même une possibilité d’intervention militaire sur les frontières.

C’est une guerre qui nous rappelle en quelque sorte cette guerre froide entre le Maroc et la Lybie dans les années soixante-dix. Une période de gel des relations entre les deux pays mais qui a pu conduire enfin de compte à une réconciliation entre les deux chefs d’Etat de l’époque à savoir Mamer Kadafi et feu le Roi Hassan II. Cependant, la guerre médiatique entre le Maroc et l’Algérie est autre chose étant donné les moyens par lesquels elle se produit. Elle n’est pas assurée par une personne chargée de répondre aux accusations et aux fake news mais elle va plus loin avec les champs qu’ouvrent l’internet et les médias.

En effet, le conflit entre Rabat et Alger est largement connu quoiqu’en réalité, cette question ne devait pas opposer les deux pays puisque le Maroc considère la question de la marocanité du Sahara comme légitime et indiscutable. Ce qui a conduit au blocage de la réalisation du grand projet de l’Union du Maghreb arabe et a donné lieu à une tension entre les deux pays, alimentée toutefois par une campagne médiatique qualifiée actuellement d’une guerre sans merci et invraisemblable.

De ce fait, chaque État a développé ses outils médiatiques pour maintenir sa position et continuer à jouer son rôle sur le continent. Pour le Maroc, le retour à l’Union africaine et sa nouvelle politique à l’égard des pays du Sahel a été un coup dur pour l’Algérie qui ne cesse de se déclarer comme étant la première puissance en Afrique. Des déclarations du président algérien sont diffusées sur les médias et les réseaux sociaux, diminuant de l’importance du Maroc en tant qu’agent économique incontournable en Afrique. A cela s’ajoute l’extension des relations au niveau diplomatique du Maroc à l’échelle internationale et qui ne fait que lui procurer des avantages énormes. C’est une montée en puissance que les responsables algériens démasquent par tous les moyens en s’appuyant évidemment sur leur unique allié, la Russie.

Enfin si l’on veut comprendre l’essence de cette rivalité médiatique entre les deux pays, nous devons remonter à l’attentat suicide de Marrakech en 1994 et qui a été un point déterminant. Depuis, les relations ont connu des perturbations voire une tension plus au moins irréversible. Puis on arrive au règne de Mohammed VI, une nouvelle ère marquée surtout par le lancement de grands projets structurants avec une ouverture indéniable si bien sur l’Afrique, le monde arabe et le reste du globe. Cette nouvelle tendance a été critiquée par les responsables algériens qui voient en elle une menace de leurs intérêts surtout à l’échelle africaine, qui en dépit des accusations et des posts sur les réseaux sociaux, a été à la faveur du Maroc et comme preuve, l’ouverture d’une dizaine de consulats de certains pays d’Afrique dans les villes de Laâyoune et Dakhla.

A noter aussi que la position de l’Algérie à l’égard du Polisario est très claire et qu’elle reste l’un des principaux alliés étant donné que le siège de la RASD est sur ses territoires et plus précisément à Tindouf. Son soutien est une raison pour la junte de véhiculer entre autres des mensonges et des accusations contre le Maroc et c’est ce qui exige des budgets pour financer cette propagande.
En effet, que ce soit du côté marocain ou algérien, la guerre médiatique nécessite un budget et des blogueurs spécialisés dans le domaine informatique. La crainte des cyberattaques comme on l’a vécu récemment oblige les deux parties à développer leurs moyens de contrôle de l’information ainsi que la protection des données contre des piratages et des virus qui peuvent endommager leurs systèmes. C’est un processus qui n’en finit point si l’on considère l’expansion exponentielle de l’évolution des techniques de communication qui ne se contente plus du texte mais combine image et diffusion en ligne. Des techniques censées influencer l’opinion publique et lui permettre d’avoir son propre avis sur les faits divers des deux parties.

Ainsi, que ce soit pour le régime marocain ou pour son homologue algérien, l’idée d’un récit comme outil de l’habileté politique permet d’expliquer les liens et les continuités entre les comportements des États à l’intérieur et à l’extérieur. Dans une perspective constructiviste, cette thèse part du principe que l’identité et la « personnalité » d’un État moderne construisent son « comportement international » sur le long terme.

Cependant et comme le soulignent Diehl et Goertz, les crises politico-diplomatiques et les bagages négatifs qui s’accumulent entre deux rivaux dégradent leurs relations futures, comme nous le voyons avec l’accélération des tensions entre le Maroc et l’Algérie depuis l’été dernier et la course à l’armement, en particulier au Maroc. En effet, en signant deux accords de coopération sécuritaire sans précédent (le premier relatif à la cybersécurité, le second à l’achat d’armements), le royaume du Maroc et Israël consolident leur rapprochement et font bloc contre les tensions que fait peser Alger sur la région. La visite de Benny Gantz en novembre 2021 a marqué un tournant dans l’histoire des deux pays. Cette première visite formelle d’un ministre israélien de la Défense au Maroc n’est pas anodine au vu du contexte actuel et de la menace d’un conflit ouvert avec l’Algérie. Cette coopération sécuritaire pourrait même formaliser un axe Rabat-Tel-Aviv pour contrer l’axe Iran-Hezbollah-Algérie-Polisario.

Il nous reste à examiner l’impact de cette guerre médiatique sur l’économie, la politique et finalement la société des deux parties. A cet effet, on peut dire que dans le cas du Maroc, les discours du Roi ont toujours fait part d’une amitié qui lie les deux peuples avec toutefois une invitation au dialogue. Ceci dit, la majorité des Marocains considèrent cette tension au niveau des relations comme une manipulation des responsables algériens pour détourner leur peuple de la situation concrète en Algérie tout en les focalisant sur la question du Sahara et sur la nécessité de soutenir le peuple sahraoui colonisé. Une excuse que les intellectuels algériens et une majorité du peuple rejettent sur des réseaux sociaux.

Quant à l’impact économique, on peut dire que cette guerre médiatique n’a pas affaibli le Maroc plus qu’elle lui a permis d’accueillir plus d’investisseurs étrangers. Une tendance ascendante due principalement à la stabilité et le climat favorable à l’investissement que le Maroc a préparé avec minutieusement pour concrétiser ses plans de développement économique et social, en dépit de la conjoncture difficile que traverse le monde.

Un dernier point est l’impact politique et pour cela le Maroc reste malgré tout le leadership de la nouvelle transigeance numérique qu’impose le nouvel ordre mondial.

Et pour conclure, on peut dire que le rejet par le régime algérien de toute tentative de dialogue initiée par le Maroc bloque les perspectives de coopération et toute intégration économique entre ces deux pays alors qu’ils font face par ailleurs à d’énormes enjeux économiques et sécuritaires du fait de l’instabilité que connaît la région.

ML

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