Qui est 'Escobar du Sahara' ? Le trafiquant de drogue qui a entraîné des responsables marocaines éminentes en prison
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Depuis deux jours, le renommé "Escobar du Sahara" domine les moteurs de recherche au Maroc, notamment après l'arrestation des parlementaires marocains, de président de club et de nombreux responsables pour détention au prison Oukacha à Casablanca, dans le cadre d'une lourde affaire entamée il y a 13 ans. Ce dossier a été révélé par le baron de la drogue au cours des derniers mois, après avoir passé quatre ans à réfléchir dans sa cellule de prison, où il réside depuis 2019.
A ce propos, le journal "Jeune Afrique" a publié des détails sur l'identité de l'"Escobar du Sahara", Haj Ahmed Ben Ibrahim né en 1976 à Kidal, la capitale des Touaregs, d'une mère marocaine originaire de la ville d'Oujda, et d'un père malien. Il mène une vie simple et traditionnelle d'éleveur de chameaux avant que sa vie ne bascule grâce à une rencontre "inattendue" avec un participant au rallye Paris-Dakar, qui change le fil de sa vie et lui ouvre les portes de l'exploration des déserts.
Le Français perdu dans le désert, à qui le malien a offert son aide, l'a récompensé en lui donnant sa voiture en signe de gratitude pour son aide. Le malien vendit la voiture comme le lui avait suggéré le Français, et au lieu de garder l'argent, il l'envoya au propriétaire de la voiture. Le Français se rend alors compte qu'il a trouvé un homme de confiance et décide de l'impliquer dans l'importation et l'exportation de voitures entre l'Europe et l'Afrique. Cette expérience lui confère une grande expertise des routes, des douanes et des circuits, ainsi qu'une connaissance des populations et des particularités de la côte africaine, réunissant des compétences rares et précieuses.
Sa connaissance approfondie du désert a attiré l'attention de personnalités de la région, dont Saif al-Islam Kadhafi, le second fils de l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, et d'autres personnalités influentes du continent qui ont fait appel à ses services.
Le malien est rapidement passé à un second niveau d'activité, en exploitant sa connaissance du désert dans le commerce de la drogue. Il commence à utiliser des avions légers pour transporter de la cocaïne d'abord de l'Amérique latine vers l'Afrique de l'Ouest, puis vers la Côte d'Ivoire, le Sénégal, la Guinée-Bissau et la Sierra Leone.
Il réussit à transporter des quantités de drogue soit par voie terrestre à travers le Mali, le Niger, l'Algérie, la Libye et l'Égypte, soit par voie maritime le long de la côte marocaine jusqu'en Europe, devenant rapidement l'un des plus grands trafiquants de drogue du continent.
Le commerce international de la drogue a ouvert les yeux du malien sur le monde et il a commencé à mener une vie somptueuse. Il a épousé la fille d'un haut responsable militaire bolivien et a noué des relations avec des femmes dans tous les pays où il travaillait. Il aurait des enfants dans tous les pays et a élargi ses possessions en achetant une île privée en Guinée, des appartements au Brésil et en Russie, des terrains en Bolivie, une villa à Casablanca et une participation dans un hôtel de luxe en Espagne, entre autres.
À partir de 2010, le financier a commencé à fréquenter des fonctionnaires de l'Est et d'autres du Nord, ainsi que de Zagora. Selon "Jeune Afrique", ces collaborations visaient à distribuer du cannabis, et il aurait déjà distribué des quantités allant de 30 à 40 tonnes lors d'opérations se déroulant trois à quatre fois par an.
En 2015, le malien a été arrêté - visé par un mandat d'Interpol - après une poursuite avec la gendarmerie mauritanienne dans le désert mauritanien, à la frontière avec le Maroc, dans une voiture contenant 3 tonnes de cocaïne et une importante somme en euros. Il a été incarcéré dans la capitale, Nouakchott, mais le journal affirme que les autorités mauritaniennes ont rapidement compris qu'il n'était pas un simple prisonnier, et le tribunal de la capitale a décidé de se dessaisir et de le libérer grâce à son réseau comprenant des militaires et des magistrats mauritaniens.
Cependant, le jour où il devait franchir la frontière et quitter la Mauritanie, il a été à nouveau arrêté par les forces de gendarmerie, ne passant que quatre ans dans les prisons mauritaniennes après avoir payé une somme importante.
A sa sortie de prison, "le Malien" n'a qu'une idée en tête : retrouver sa place et recouvrer ses dettes, car tous ses "partenaires" marocains en ont profité pour régler leurs affaires, ne payant pas plus que les 3,3 millions d'euros qui leur étaient dus. Le président d'un club de football Said Naciri, confisqué la villa du Malien à Casablanca, et Abdenbi Bioui, président du Conseil de la Région de l'Oriental s'est emparée de son appartement à Casablanca également.
Le journal "Jeune Afrique" affirme que le Malien a reçu l'assurance de ses partenaires qu'il n'était pas recherché au Maroc. Cependant, il a été immédiatement arrêté à son arrivée au Maroc, à l'aéroport Mohammed V de Casablanca.
Les relations entre les deux parties se sont envenimées lorsque le Malien a accusé les Marocains d'avoir monté un piège contre lui. Les autorités marocaines avaient saisi 40 tonnes de drogue sur une aire de repos d'El Jadida, embarquées dans des véhicules appartenant à sa société, mais il affirme les avoir vendues à Bioui. Mais ce dernier, selon le journal, n'a pas changé les papiers gris des camions, ce qui a conduit à l'arrestation du Malien dès son arrivée au Maroc.
Le Malien, se sentir trahi par sa détention à l'aéroport, a pris le temps de préparer sa riposte en déposant huit plaintes contre Abdenbi Bioui, président du Conseil de la Région de l'Oriental. L'affaire a mobilisé la police judiciaire au Maroc, qui s'est rendue à plusieurs reprises à la prison d'El Jadida pour interroger le Malien. Malgré tous ces événements, la vie de Haj Ahmed Ben Ibrahim, qui approche de la cinquantaine, a été pleine de surprises, et d'autres sont attendues.