Le tribunal de première instance de Berrechid a ordonné, mercredi soir, une expertise médicale pointue en neurologie et chirurgie du cerveau pour évaluer les séquelles subies par la petite Ghita, grièvement blessée lors d’un accident survenu sur la plage de Sidi Rahal. Cette décision marque un tournant dans une affaire devenue emblématique du débat sur la sécurité des plages au Maroc.
Le drame remonte à plusieurs semaines : Ghita, âgée de 4 ans, a été violemment percutée par un véhicule 4×4 tractant un jet-ski dans une zone normalement réservée aux baigneurs. Les conséquences ont été terribles : traumatisme crânien, fracture de la mâchoire et atteintes multiples sur l’ensemble du corps. Transportée d’urgence à Casablanca, l’enfant a subi une lourde intervention chirurgicale et doit prochainement être transférée en Italie pour une opération complémentaire.
Une expertise cruciale pour la suite du procès
Lors de l’audience du 23 juillet, les avocats de la famille ont obtenu l’accord du tribunal pour une expertise médicale approfondie, visant à déterminer l’ampleur des lésions cérébrales et des troubles urinaires involontaires dont souffre encore la fillette. Cette analyse, confiée à des spécialistes, sera déterminante pour évaluer la gravité des séquelles et, par conséquent, la qualification juridique des faits.
La défense réclame la requalification en acte criminel
La partie civile estime que les charges actuelles – blessure involontaire – ne reflètent pas la gravité de l’incident. Elle plaide pour une requalification des faits en acte criminel, soulignant plusieurs éléments aggravants : la conduite d’un véhicule motorisé sur une plage protégée par la loi 81.12, l’absence de permis de remorquage du jet-ski et le non-respect des normes de sécurité.
Pour les avocats de Ghita, il ne s’agit pas d’un simple accident, mais d’un comportement négligent, voire téméraire, qui engage lourdement la responsabilité pénale du conducteur.
La version du conducteur : un accident malheureux
De son côté, la défense du prévenu soutient qu’il s’agit d’un tragique accident, sans aucune intention criminelle. L’avocat insiste sur le fait que son client ne s’est pas enfui, qu’il a pris en charge le transport de l’enfant vers la clinique et qu’il a coopéré dès les premières heures. Il rappelle également que le conducteur possède un permis valide, que le véhicule était assuré, et qu’aucune signalisation n’interdisait explicitement l’accès à la plage.
Il demande donc la clémence du tribunal, évoquant un jeune homme sans antécédents judiciaires, pris dans une spirale dramatique sans intention de nuire.
Un procès sous tension et une opinion publique mobilisée
L’audience a été renvoyée au lundi 28 juillet, en attendant les résultats de l’expertise médicale. Ces conclusions seront décisives pour orienter la suite du procès.
Entre-temps, l’affaire Ghita a profondément ému l’opinion publique. Depuis plusieurs semaines, les réseaux sociaux relaient massivement le hashtag #العدالة_لغيثة (#JusticePourGhita), exigeant des mesures fermes contre l’impunité, quelles que soient les origines sociales du conducteur.
Des ONG et collectifs citoyens, à l’instar de Touche pas à mon enfant, ont également interpellé les autorités locales et nationales, appelant à une réforme du cadre juridique encadrant l’usage des plages, notamment l’interdiction stricte de circulation des véhicules motorisés dans les zones fréquentées par les baigneurs.
Vers un changement de cap réglementaire ?
Plus qu’un simple fait divers, le drame de Sidi Rahal soulève une question de fond : celle de la sécurité sur les plages marocaines, trop souvent livrées à elles-mêmes. Plusieurs communes, à l’instar de Dar Bouazza, ont déjà pris des mesures d’interdiction concernant les jet-skis, en réponse à la pression populaire.
L’affaire Ghita pourrait ainsi devenir le catalyseur d’une prise de conscience nationale sur la nécessité d’un encadrement plus strict des activités motorisées en bord de mer. En attendant justice, une chose est sûre : la petite Ghita est aujourd’hui le symbole d’un combat bien plus vaste pour des plages plus sûres et mieux régulées.