Le gouvernement espagnol a franchi une étape majeure dans le vieux projet de liaison fixe entre l’Espagne et le Maroc en mandatant l’entreprise publique Ineco pour concevoir le design détaillé d’un tunnel sous-marin reliant les deux rives du détroit de Gibraltar. Cette décision marque la relance la plus concrète depuis des décennies pour un chantier souvent évoqué mais jamais réellement engagé.
Selon les informations relayées par la presse espagnole, la Société d’études pour les communications fixes à travers le détroit de Gibraltar (Secegsa), relevant du ministère des Transports, a passé le 3 novembre 2025 une commande officielle à Ineco. Le marché, financé par des fonds européens et doté de 961.939 euros, vise à actualiser l’avant-projet de cette infrastructure stratégique, une mise à jour intégrale qui n’avait plus été réalisée depuis près de cinquante ans.
Les travaux prévus porteront sur la redéfinition du tracé en territoire espagnol, la localisation de la future station près de Vejer de la Frontera et les liaisons ferroviaires avec l’axe Cadix–Séville. Plus de 15.000 heures d’ingénierie sont programmées pour réviser les cartes géotechniques et hydrogéologiques, analyser l’activité sismique et déterminer les matériaux nécessaires à un chantier appelé à durer plus d’une décennie. L’étude comprend également la modernisation des systèmes de sécurité et de ventilation selon les standards européens, à travers des simulations d’incendie et d’évacuation.
Les documents techniques prévoient un tunnel d’environ 42 kilomètres, dont 28 kilomètres sous la mer entre la côte de Cadix et la zone de Malabata à Tanger, avec un passage par un point profond atteignant près de 475 mètres. L’infrastructure serait composée de deux voies ferroviaires — grande vitesse et fret — ainsi qu’un conduit central réservé à la maintenance et aux secours.
La première étape concrète consistera en un tunnel exploratoire côté espagnol afin d’analyser précisément la nature des roches et couches sédimentaires. Cette phase pourrait durer de six à neuf ans. Les appels d’offres pour ce tunnel expérimental sont attendus en 2027 et les premiers forages pourraient commencer aux alentours de 2030, sous réserve d’une décision politique définitive.
Sur le plan financier, la contribution estimée de l’Espagne s’élève à 8,5 milliards d’euros, tandis que Rabat actualise ses propres études autour de sa façade maritime et des futures connexions ferroviaires, dans le cadre de sa stratégie de hub continental.
Malgré son caractère encore préliminaire, le retour du projet à l’agenda bilatéral est interprété par de nombreux observateurs comme un signal politique fort pour l’un des travaux d’ingénierie les plus ambitieux du bassin méditerranéen, souvent comparé au tunnel sous la Manche, mais dans un contexte géologique nettement plus complexe.
Dans le même temps, le groupe allemand Herrenknecht, leader mondial du creusement de tunnels, a confirmé la faisabilité technique du projet avec les technologies actuelles. Son rapport, remis à la Secegsa et révélé par le média espagnol Vozpópuli, s’est concentré sur la zone la plus délicate du tracé, le « seuil de Camarinal ». Les conclusions, jugées encourageantes, doivent permettre au gouvernement espagnol de préparer un appel d’offres après juin 2026, date prévue pour l’actualisation finale de l’étude initiale de 2007.
Une décision politique est espérée d’ici fin 2027. Si elle est obtenue, le tunnel du détroit de Gibraltar pourrait redéfinir durablement les échanges entre l’Europe et l’Afrique, alléger la pression sur les routes maritimes et renforcer le rôle stratégique du Maroc comme passerelle logistique continentale.






