Tensions franco-algériennes : le ministre de l’Intérieur boycotte l’iftar de la Grande Mosquée de Paris
Le ministre français de l’Intérieur ne participera pas à l’ »iftar des ambassadeurs » organisé par la Grande Mosquée de Paris ce mardi 18 mars au soir. Une absence hautement symbolique, qui illustre les tensions grandissantes entre Paris et Alger. En cause : les liens directs entre la mosquée et le gouvernement algérien.
Une rupture avec la tradition
Depuis 2022, le ministre de l’Intérieur assistait à ce dîner de rupture du jeûne, un événement marquant du Ramadan organisé par la Grande Mosquée de Paris. Cette année, cependant, Bruno Retailleau, qui devait représenter le gouvernement français, a décidé de boycotter l’événement.
À sa place, c’est le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui sera présent. Son profil plus neutre vis-à-vis de l’Algérie permet d’éviter toute escalade diplomatique lors d’une soirée où la présence algérienne est particulièrement forte.
Des tensions accrues autour de la Mosquée de Paris
La Grande Mosquée de Paris est dirigée par l’Algérie à travers son recteur, Chems-Eddine Hafiz, un Franco-Algérien souvent au cœur de controverses. La plus récente concerne l’attribution du label « halal » par l’Algérie, qui a suscité de vives critiques du gouvernement français.
Retailleau, connu pour sa position ferme sur les relations avec Alger, a dénoncé dès janvier ce qu’il appelle « l’islam consulaire », une influence étrangère jugée excessive sur les institutions musulmanes en France. Il a notamment remis en question la taxe imposée aux entreprises françaises souhaitant exporter des produits alimentaires en Algérie sous certification halal.
Selon lui, cette certification, gérée par la mosquée avec le soutien d’Alger, aurait permis de mettre en place un « système financier lucratif » couvrant non seulement la viande, mais aussi d’autres produits comme les biscuits, l’huile ou les produits laitiers, qui n’ont pourtant pas besoin d’un tel label.
Un contexte diplomatique explosif
L’absence du ministre de l’Intérieur à cet iftar s’inscrit dans un climat de crise diplomatique entre la France et l’Algérie. Plusieurs dossiers sensibles viennent alourdir les tensions :
La question des expulsions des Algériens en situation irrégulière sous le régime des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français).
L’affaire de l’écrivain Boualem Sansal, franco-algérien emprisonné en Algérie, qui a exacerbé les tensions.
La remise en cause des accords de 1968, qui accordent des facilités de circulation et d’installation aux Algériens en France. Retailleau a récemment déclaré dans une interview au Parisien qu’il se montrerait « intransigeant », et qu’il envisageait une riposte graduée contre Alger.
Une instrumentalisation de la mosquée ?
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, est régulièrement accusé d’amalgamer les intérêts des musulmans en France avec ceux de l’Algérie. Il a lui-même affirmé que la mosquée assumait ses « liens forts et historiques » avec Alger, évoquant une « double appartenance franco-algérienne » en raison du financement algérien des rénovations du bâtiment.
Dans ce contexte explosif, la non-participation du ministre de l’Intérieur à l’iftar envoie un signal fort : Paris refuse d’entretenir des relations institutionnelles avec une mosquée perçue comme un prolongement du gouvernement algérien sur le sol français.