L’institution du Médiateur du Royaume a rendu public son rapport annuel pour l’année 2024, dévoilant une photographie préoccupante des relations entre les citoyens et les services publics. Dans ce document, adressé au roi Mohammed VI comme l’exige la loi organique 14.16, l’institution dénonce des dysfonctionnements persistants et appelle à un sursaut administratif en faveur de l’équité et de la transparence.
Médiation en hausse : un symptôme plus qu’un signe de confiance
En 2024, pas moins de 7 943 dossiers ont été traités par le Médiateur, dont plus de 83 % ont été déposés par des particuliers. Les plaintes visent majoritairement des litiges à caractère administratif, fiscal ou foncier, confirmant l’ampleur du malaise entre les usagers et l’administration.
Loin de témoigner d’une confiance accrue dans les institutions, ce recours massif à la médiation trahit un sentiment d’impuissance face à des procédures souvent jugées opaques ou injustes. Le rapport le souligne sans détour : « Ce n’est pas la confiance qui motive, mais le désarroi. » L’administration, encore trop souvent sourde aux réclamations citoyennes, invoque parfois abusivement des arguments de compétence ou de procédure pour éluder ses responsabilités.
Des recommandations ignorées et des abus dénoncés
Le rapport critique également le faible taux de mise en œuvre des recommandations émises par l’institution. Des décisions arbitraires, des interprétations restrictives des textes et un manque de réactivité continuent de miner la relation entre les services publics et les citoyens. « Le silence face à une demande fondée est une forme d’abus », dénonce le Médiateur.
Un accent particulier est mis sur les droits des personnes détenues. L’institution déplore les nombreux obstacles à leur réinsertion : interdiction d’accès à certains emplois, lenteurs dans la réhabilitation civile, et manque de coordination entre les différentes administrations. Elle appelle à une réforme ambitieuse et respectueuse de la dignité humaine.
Inégalités territoriales et fracture numérique
Le rapport met aussi en lumière les disparités régionales. Si les régions de Rabat-Salé-Kénitra et Casablanca-Settat concentrent une part importante des réclamations, d’autres zones – notamment les provinces du Sud – restent sous-représentées. Cette absence n’est pas le signe d’un bon fonctionnement, mais plutôt le reflet d’un manque d’accès à l’information et aux services du Médiateur.
Certains progrès sont toutefois notés, comme la montée en puissance du portail électronique Chikaya.ma, signe d’une meilleure appropriation des outils numériques par les citoyens.
Appel à une réforme en profondeur
En conclusion, le Médiateur appelle à une réforme globale de l’action administrative. Il recommande notamment la simplification des procédures, l’amélioration de l’accueil dans les administrations, l’instauration de délais de réponse contraignants et le renforcement des moyens humains et juridiques de l’institution.
Sur le plan international, l’institution met en avant sa contribution à l’adoption de la résolution A/RES/79/177 des Nations unies sur le rôle des médiateurs dans la consolidation de l’État de droit, saluant une reconnaissance du modèle marocain.
Publié au Bulletin officiel le 22 juillet 2025, ce rapport s’impose comme un exercice de vérité. Il dresse le portrait d’un service public encore en décalage avec les attentes citoyennes, et réaffirme la vocation du Médiateur comme garde-fou institutionnel, garant d’une administration juste, accessible et responsable.