Il y a soixante-dix ans, le Maroc retrouvait le fil de son histoire. le 18 novembre, le Royaume ne commémore pas seulement un événement inscrit dans les pages du passé : il revit un moment fondateur où une nation entière, soudée autour de son Trône, a repris en main son destin. L’Indépendance n’a jamais été une simple rupture politique ; elle fut un soulèvement moral, un acte de foi collective, une proclamation de dignité. Aujourd’hui, alors que le pays se projette vers de nouveaux horizons diplomatiques, économiques et sociaux, cette date rappelle que la souveraineté n’est pas un héritage figé, mais une responsabilité vivante, remise aux mains de chaque génération.
Ce mardi 18 novembre 2025, le Maroc célébrera le 70e anniversaire de sa Fête de l’Indépendance, un moment où le pays ne se contente pas de commémorer une date, mais revisite un acte fondateur qui a redéfini son destin collectif. Cette journée porte en elle le souffle d’un long combat, mené à la fois par les forces de la résistance, le mouvement national et l’ensemble du peuple marocain, guidés par la vision et la détermination de feu Sa Majesté Mohammed V. L’indépendance n’a pas été un don, mais la conquête d’une volonté souveraine qui a résisté, négocié, refusé le fatalisme et inscrit son émancipation dans une trajectoire de dignité. Aujourd’hui encore, la symbolique de cet anniversaire demeure forte : elle rappelle qu’un pays ne se construit que lorsqu’il sait honorer sa mémoire tout en continuant à tracer la route de son avenir.
Bien avant 1956, les graines de l’indépendance étaient profondément ancrées. Dès les années 1930, un éveil politique se cristallise : le « Dahir berbère » de 1930 suscite une mobilisation inédite, révélant l’émergence d’une conscience populaire homogène et d’une première cohésion nationale moderne. Les actions des pionniers du mouvement national, de Fès à Salé, de Marrakech à Oujda, transforment une résistance spontanée en un projet politique articulé. Les pétitions, les mémorandums, la presse militante et les manifestations deviennent les outils d’un combat qui dépasse la seule opposition à l’autorité coloniale. C’est une lutte pour le droit d’exister politiquement, culturellement et symboliquement. Les exils forcés, les arrestations, les déportations ne font que renforcer cette détermination collective à recouvrer la souveraineté.
Le retour d’exil de Mohammed V en novembre 1955 marque un tournant irréversible. En réaffirmant, dès sa prise de parole, que « le Maroc entre dans une ère nouvelle », il scelle l’alliance sacrée entre le Trône et le peuple, alliance qui demeure l’axe central de la stabilité institutionnelle du pays. L’Indépendance officiellement proclamée en 1956 n’est que la première étape d’une vaste entreprise de reconstruction. L’édification des institutions, la réunification des provinces, l’unification administrative, le lancement des premières réformes sociales et éducatives : tout cela compose une transition fulgurante d’un territoire sous domination vers un État souverain en quête d’équilibre, de cohérence et de projection stratégique.
Célébrer les 70 ans de l’Indépendance ne consiste pas seulement à évoquer les sacrifices de la résistance. Cette fête nationale est une matrice symbolique qui relie plusieurs dimensions essentielles de l’identité marocaine. Elle est d’abord un hommage aux résistants anonymes autant qu’aux figures historiques : aux combattants des montagnes du Rif et du Sud, aux militants des villes, aux familles qui ont payé le prix du silence, de l’exil ou de la répression. Elle est ensuite un rappel des constantes nationales — islam, monarchie, intégrité territoriale — qui ont traversé les turbulences sans perdre leur force structurante. Enfin, elle est une manière de réaffirmer l’unité du pays, de Tanger à Lagouira, unité dont l’histoire a montré qu’elle n’allait jamais de soi, mais qu’elle se gagnait par la vigilance, le sacrifice et la continuité étatique.
L’après-indépendance ouvre une phase cruciale où le Maroc doit simultanément effacer les traces du protectorat et construire une économie nationale durable. Les décennies qui suivent voient se déployer un volontarisme politique significatif : la marocanisation progressive de l’économie, les premières industries, l’accès élargi à l’école et à l’université, la mise en place d’une administration publique pouvant répondre aux défis du développement. Les années 1960 et 1970, souvent marquées par des tensions sociales ou politiques, sont également celles où émerge une culture institutionnelle moderne, où se structure un État capable de dialoguer avec le monde, d’établir des alliances, de développer une diplomatie active et, surtout, de tenir ensemble un pays profondément diversifié.
Depuis deux décennies, le Maroc s’inscrit dans une dynamique qui prolonge et actualise les promesses de l’indépendance. Les projets d’infrastructures, la modernisation de la justice, la régionalisation avancée, les politiques portées par les industries stratégiques, l’essor continental du Royaume, l’affirmation de la souveraineté économique et alimentaire : autant de chantiers qui s’inscrivent dans une continuité historique, celle d’un pays qui veut conjuguer stabilité institutionnelle et modernité économique. Parallèlement, la lutte contre les inégalités, le défi du chômage des jeunes, l’accès équitable aux services publics ou encore la transformation numérique constituent des priorités urgentes qui exigent une lecture lucide du présent et un courage politique renouvelé.
Soixante-dix ans après, la relation entre le Trône et le peuple, fondement de la doctrine politique marocaine, conserve une pertinence intacte. Elle s’est adaptée, réinterprétée, modernisée. Elle n’est plus seulement une relation de loyauté historique : elle est devenue un pacte politique, social et symbolique qui permet au pays d’affronter des défis complexes — diplomatiques, sécuritaires, économiques — en s’appuyant sur un socle consensuel. À l’heure où le Maroc renforce sa présence sur la scène africaine, consolide ses alliances internationales et poursuit la défense légitime de son intégrité territoriale, cette alliance constitue l’un des piliers de sa résilience et de sa projection stratégique.
Le 70e anniversaire de l’Indépendance n’est pas seulement un moment de commémoration ; c’est une invitation à revisiter le récit national pour mieux anticiper l’avenir. Il interroge la place des jeunes générations dans la construction du Maroc de demain, leur rapport à l’histoire, leurs attentes en matière de justice sociale, d’innovation, de participation politique. Dans un monde traversé par les bouleversements technologiques, les tensions géopolitiques et l’urgence climatique, l’indépendance n’est plus seulement un héritage : elle doit devenir un cadre d’action, une manière de penser la souveraineté sous ses formes nouvelles — économique, numérique, culturelle, énergétique.
En célébrant ce 70e anniversaire, le Maroc ressuscite une mémoire glorieuse, mais se projette surtout vers un horizon exigeant. L’indépendance fut la victoire d’un peuple, l’ancrage d’un modèle politique original et la promesse d’un avenir possible. Soixante-dix ans plus tard, cette promesse continue d’obliger : à la vigilance, à la cohésion, à l’innovation, et surtout à la fidélité envers les valeurs qui ont fondé la renaissance nationale. Le Maroc ne célèbre pas seulement une date ; il réaffirme une trajectoire. Une trajectoire façonnée par la résilience, soutenue par la continuité, et portée par la conviction que la souveraineté n’est pas un acquis, mais un projet permanent.






