Dans la nuit du 29 au 30 avril 2024, l’influenceur algérien Amir Boukhors, connu sous le pseudonyme Amir DZ, a été enlevé, séquestré puis relâché en région parisienne. Un an plus tard, cette affaire alimente la crise diplomatique entre la France et l’Algérie.
Selon une source proche du dossier, la justice française a délivré, fin juillet 2025, un mandat d’arrêt international visant un ancien cadre de l’ambassade d’Algérie à Paris. L’intéressé est poursuivi pour « arrestation, enlèvement et séquestration en lien avec une entreprise terroriste », ainsi que pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ».
Un rapport de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) décrit ce diplomate comme un sous-officier du renseignement algérien (DGDSE), alors en poste sous couverture de « premier secrétaire ».
Au total, huit personnes ont été mises en examen, dont un agent du consulat algérien de Créteil, pour leur participation présumée à cette opération dont le mobile reste obscur.
Un scénario digne d’un film
Le 29 avril 2024, peu avant 23h30, Amir DZ rentrait chez lui dans le Val-de-Marne lorsqu’une voiture banalisée équipée d’un gyrophare lui a barré la route. Quatre hommes, dont deux arborant un brassard de police, l’ont menotté et conduit vers un lieu isolé présenté comme un commissariat.
En réalité, après quelques kilomètres, il se retrouve dans une casse automobile, installé dans un container. On lui fait boire un liquide qui s’avèrera être un somnifère. À son réveil, deux femmes masquées le surveillent. Elles lui parlent d’un camion de drogue prétendument détourné à Amsterdam et lui demandent de le restituer.
Plus tard, l’une des gardiennes, paniquée, lui confie avoir été payée pour assurer sa surveillance et évoque un transfert prévu vers l’Espagne. L’influenceur sera finalement drogué à nouveau, puis relâché au petit matin du 1ᵉʳ mai dans une forêt.
Bilan : 27 heures de détention sans violence physique, mais avec la conviction, pour l’intéressé, que l’ordre venait directement d’Alger.
Un opposant controversé
Âgé de 41 ans, Amir DZ se présente comme un journaliste d’investigation dénonçant la corruption en Algérie. Réfugié politique en France depuis octobre 2023, il est visé par plusieurs mandats d’arrêt en Algérie, notamment pour appartenance au mouvement islamiste Rachad, classé « terroriste ».
Ses vidéos, parfois vues par plus de 10 millions d’internautes, ciblent régulièrement le président Abdelmadjid Tebboune et ses proches, déclenchant vives réactions et polémiques.
Une opération aux motivations politiques ?
Pour le chercheur Ali Bensaad, cet enlèvement, intervenu à quelques mois de la présidentielle algérienne de septembre 2024, relève d’une stratégie d’intimidation interne au régime. Selon lui, l’objectif n’était pas seulement de réduire au silence certains influenceurs, mais aussi de faire pression sur les factions du pouvoir hostiles à la reconduction de Tebboune.
Deux jours avant le rapt d’Amir DZ, un autre influenceur, Bensdira, aurait été visé par une opération similaire, renforçant l’hypothèse d’une action coordonnée.