GenZ212 au Maroc : vers un tournant dans la mobilisation citoyenne

Depuis la fin septembre 2025, le Maroc connaît une vague de manifestations inédites portées par la jeunesse numérique, réunie sous le nom de GenZ212. Ce mouvement spontané, né sur Discord, réclame des réformes profondes dans les secteurs de la santé, de l’éducation, ainsi qu’une lutte sincère contre la corruption. Après plusieurs jours de colère, les protestations suscitent tant l’attention de la presse internationale que les débats dans l’opinion publique, posant un défi majeur au gouvernement.

Un mouvement né numérique, qui s’organise dans la rue

GenZ212 a émergé autour du 18 septembre, via les réseaux en ligne, sans leadership visible. Malgré son caractère fluide, le collectif a rapidement mobilisé des milliers de jeunes dans plusieurs villes.

Le déclencheur immédiat : la mort de plusieurs femmes enceintes à Agadir dans des conditions sanitaires jugées inacceptables — un moment charnière qui a cristallisé le ras-le-bol autour des défaillances persistantes dans l’accès aux soins.

Entre pacifisme revendiqué et violences constatées

GenZ212 proclame la paix comme méthode. Dans ses communiqués, le mouvement insiste sur le rejet de la violence, du vandalisme et des actes de destruction.

Pourtant, plusieurs nuits ont été émaillées d’affrontements : des manifestations transformées en heurts, des biens publics saccagés, des casernes attaquées — parfois avec usage de pierres, cocktails Molotov, ou d’autres violences. Deux jeunes ont été tués dans la nuit du mercredi à Laqliaa (province d’Inzegane), selon les autorités, lors d’une attaque de poste de gendarmerie.

 

Des responsables et ONG locales soulignent que la majorité des débordements répertoriés viennent d’un sous-groupe de manifestants, parfois mineurs, infiltrés dans les cortèges. Ces actes suscitent l’indignation autant que la peur.

Réactions des autorités et des observateurs

Le gouvernement a déclaré être prêt au dialogue, promettant d’écouter les revendications des jeunes.

Cependant, l’analyse indépendante de l’Institut Géopolitique Horizons pointe plusieurs failles : une réponse tardive, une communication froide et technocratique, une stratégie de maintien de l’ordre utilisée avant toute ouverture politique, ce qui a exacerbé la défiance.
Institut Géopolitique Horizons IGH

Des ONG comme Transparency Maroc dénoncent la brutalité de la répression, les arrestations nombreuses, et l’imputabilité floue des violences. Elles appellent à ce que justice soit faite pour les manifestants pacifiques et un contrôle rigoureux sur ceux qui exploitent les manifestations à des fins violentes.

Le regard de la presse internationale et de l’opinion publique

Dans les médias étrangers, GenZ212 apparaît comme un signe que la jeunesse marocaine ne tolère plus le statu quo : le contraste est souvent fait entre les grands projets d’infrastructure (notamment autour de la Coupe d’Afrique des Nations / CAN, ou préparations à des événements internationaux) et les services de base laissés en souffrance.

Une partie de l’opinion publique, surtout en ligne, soutient les revendications, s’identifie aux frustrations : hôpitaux délabrés, écoles insuffisantes, coûts de la vie, chômage élevé. D’autres expriment des réserves, inquiétés par les violences, les actes de vandalisme, ou l’implication de mineurs dans les incidents.

Plus largement, l’usage des réseaux sociaux comme principal levier de mobilisation est vu comme un phénomène émergent : médias internationaux saluent l’organisation numérique, mais mettent aussi en garde contre les désinformations, la viralité des images violentes, et les tentatives de récupération idéologique ou externe.

Enjeux et perspectives

Politique : GenZ212 interroge la légitimité des acteurs politiques traditionnels. La demande va au-delà de la simple amélioration des services : elle touche au rapport entre gouvernés et gouvernants, à la reddition de comptes et à la transparence.

Social : l’implication des mineurs, le sentiment d’abandon territorial (villes de l’intérieur, zones périphériques), le clivage entre les priorités visibles (grands projets, évènements internationaux) et le vécu quotidien.

Communication : le gouvernement est désormais confronté à la nécessité d’une communication plus empathique, proactive et inclusive. La jeunesse exige qu’on la prenne au sérieux, pas seulement qu’on la calme.

Risques : montée des violences, riposte sécuritaire mal maîtrisée, radicalisation d’une frange du mouvement, pertes d’alliés potentiels si les promesses ne sont pas suivies d’effets.

Conclusion

GenZ212 représente plus qu’une série de manifestations — c’est une crise générationnelle. Elle révèle un Maroc en mutation : une jeunesse connectée, exigeante, capable de mobiliser sans intermédiaires, mais vulnérable aux dérives. La réponse de l’État dans les prochains jours déterminera si ce mouvement verra naître des réformes concrètes ou s’il sera perçu comme un échec d’écoute.

Dans ce contexte, la transparence, la justice, et le respect des libertés constitutionnelles sont non seulement des revendications, mais des conditions nécessaires pour restaurer la confiance entre l’État et ses citoyens — et éviter que les frustrations ne s’enveniment.

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