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Un rapport met à nu les dysfonctionnements du Plan Maroc Vert dans la gestion des ressources hydriques

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Un rapport récemment publié met en lumière que la crise hydrique que traverse le Maroc ne saurait être uniquement imputée aux aléas climatiques actuels. Elle s’inscrit, selon ce document, dans un long processus de développement marqué par des choix structurels fondamentalement non durables. Alors même que les priorités étaient la sécurité alimentaire et la croissance économique, la rareté croissante de l’eau et la pression démographique et urbaine ont été reléguées au second plan.

Dans cette perspective, le rapport du Marocain Institute for Strategic Intelligence (IMIS) identifie ce qu’il qualifie de « doctrine de la productivité » comme l’un des principaux ressorts structurels de la crise. Il pointe du doigt un modèle agricole tourné vers l’exportation — pierre angulaire du Plan Maroc Vert, prolongé ensuite par Génération Green — qui, bien qu’ayant modernisé le secteur et accru les exportations, s’est construit au prix d’un coût hydrique exorbitant.

Le rapport souligne que l’État a largement encouragé, via subventions et incitations, des cultures à haute valeur marchande, mais à très forte intensité en eau — telles que l’avocat, le melon ou encore les fruits rouges. Cette stratégie a orienté les agriculteurs vers des productions excessivement gourmandes en eau, sans égard pour la rareté croissante de la ressource.

Une telle intensification agricole a engendré une course effrénée à l’eau à l’échelle nationale, rompant dangereusement l’équilibre entre offre et demande. Résultat : un épuisement accéléré des nappes phréatiques, au point que l’agriculture est désormais perçue comme le moteur principal d’un prélèvement chronique et non maîtrisé des ressources souterraines.

Pire encore, le Maroc ne se contente plus de consommer son revenu hydrique annuel : il entame désormais son capital hydrique non renouvelable, amorçant ce que le rapport décrit comme une hémorragie inquiétante menaçant la sécurité hydrique future du pays.

À cela s’ajoute un grave déficit de gouvernance. Le rapport déplore l’absence de coordination entre les multiples acteurs du secteur. Le ministère de l’Agriculture, fort de ses objectifs productivistes et de ses moyens, impose sa vision, reléguant le ministère de l’Eau et les agences de bassins hydrauliques à un rôle secondaire, minant ainsi la cohérence des politiques publiques en matière de gestion de l’eau.

Ce déséquilibre institutionnel se manifeste concrètement par l’absence quasi totale de contrôle sur le forage des puits, favorisant la prolifération de forages illégaux. L’exploitation des eaux souterraines s’effectue dès lors dans une anarchie quasi complète, avec des prélèvements massifs, désordonnés et sans aucun mécanisme de régulation durable.

Par ailleurs, le rapport souligne que la tarification de l’eau agricole reste anormalement basse, n’envoyant aucun signal fort sur la gravité de la pénurie. Cela a favorisé la surconsommation plutôt que l’économie, transformant un outil productif efficace en machine à dépenser l’eau, sans garde-fous.

Le troisième facteur aggravant est d’ordre environnemental. Le recul des ressources hydriques renouvelables n’est pas perçu comme une conjoncture passagère, mais bien comme une tendance structurelle de long terme. Les précipitations sont en déclin continu, réduisant dangereusement le rendement hydrique annuel du pays.

Ce recul s’est conjugué à des politiques publiques qui ont, paradoxalement, encouragé une demande croissante en eau, accentuant un écart abyssal entre les besoins et les disponibilités.

En outre, le rapport précise que le changement climatique, dans le cas du Maroc, n’est pas la cause première mais un facteur aggravant, accélérant une crise déjà installée. Les vagues de chaleur persistantes, la fréquence accrue des sécheresses et l’évaporation intensifiée ne font qu’ajouter une pression insoutenable sur un système hydrique déjà fragilisé.

Le rapport conclut en pointant l’écart criant entre la vision stratégique de l’État et sa mise en œuvre opérationnelle. Bien que la question de l’eau ait été élevée au rang de priorité nationale par le Roi, articulée autour de trois axes — accès généralisé à l’eau potable, efficacité hydrique dans l’agriculture, et développement des infrastructures hydrauliques — l’exécution gouvernementale reste à la traîne, creusant un fossé grandissant entre les ambitions affichées et les réalisations concrètes.

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