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Journalisme politique : La proximité fragilise en France tandis que la distance entrave au Maroc

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Dans son livre « Le Contact et la distance. Le journalisme politique au risque de la connivence », l’historien français Alexis Lévrier plonge au cœur d’un dilemme ancien mais toujours brûlant : celui de la relation ambiguë entre journalistes et responsables politiques.

En France, rappelle-t-il, le journalisme s’est longtemps construit dans un climat de proximité avec le pouvoir, une intimité parfois si grande qu’elle se transforme en complicité. Cette tradition française tranche avec l’idéal anglo-saxon d’une presse distante, qui revendique l’indépendance comme principe fondateur.

La formule d’Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde – « le journalisme, c’est le contact et la distance » – résume toute la difficulté : comment être assez proche pour accéder à l’information, sans tomber dans la connivence qui brouille la frontière entre information et communication ? Alexis Lévrier illustre ce paradoxe par des exemples concrets, notamment la période où plusieurs figures politiques françaises entretenaient des relations personnelles avec des journalistes. Ce mélange des sphères privée et professionnelle posait une question fondamentale : comment rester critique lorsqu’on est trop lié à ses sources ?

Si le livre se concentre sur le cas français, il fait écho à des problématiques qui dépassent les frontières hexagonales.

Au Maroc, la situation est presque inversée. Ici, ce n’est pas tant la proximité excessive qui menace l’indépendance journalistique, mais plutôt la distance imposée par les conditions d’accès à l’information.

Les journalistes politiques marocains se heurtent souvent à un mur de silence institutionnel, à des sources officielles rares et à une communication verrouillée. Là où leurs confrères français doivent parfois se libérer d’une intimité encombrante, eux doivent lutter pour briser un éloignement qui les empêche de jouer pleinement leur rôle de médiateurs entre le pouvoir et la société.

La comparaison révèle une tension universelle : trop de proximité fragilise l’esprit critique, trop de distance réduit le journaliste à l’impuissance. Dans un cas comme dans l’autre, le risque est le même : une perte de confiance des citoyens envers leurs médias. En France, cette défiance s’alimente des soupçons de connivence ; au Maroc, elle se nourrit des frustrations liées à l’opacité et au manque de transparence.

Le livre d’Alexis Lévrier n’offre pas de solution toute faite, mais il pose une question qui mérite d’être méditée des deux côtés de la Méditerranée : quelle place le journaliste doit-il occuper vis-à-vis du pouvoir politique pour rester fidèle à sa mission démocratique ? La réponse, sans doute, réside dans la recherche permanente d’un équilibre. Ni trop près, ni trop loin, mais toujours du côté du public, qui attend de la presse non pas des relais du pouvoir, mais des voix capables de l’éclairer et de le défendre.

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