L’édition de l’émission “Moubachara Maâkoum”, diffusée sur la chaîne 2M, a été le théâtre d’un échange particulièrement tendu entre le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, et le président du Syndicat national de la presse marocaine, Abdelkebir Akhchichen. Au cœur de la polémique : les divergences profondes entourant les coulisses de l’élaboration du projet de loi relatif à la réorganisation du Conseil national de la presse.
La confrontation a éclaté lorsque le ministre expliquait les raisons ayant conduit à l’adoption de certaines dispositions du projet, notamment celles concernant les modalités de scrutin — par liste ou à titre individuel. Alors que Bensaid évoquait la diversité des positions exprimées par les professionnels et les organisations concernées, Akhchichen l’a interrompu en exigeant qu’il dévoile les noms des organisations ayant formulé ces propositions.
La réponse du ministre fut directe et sans détour. S’adressant au président du syndicat, il a déclaré :
« Quelles organisations ? Tu es venu me voir en me disant : ‘mets le vote par liste et j’irai avec le projet’. Et comme je ne t’ai pas exaucé, tu t’opposes maintenant au texte ? » Une affirmation interprétée comme l’allusion à une position officieuse du syndicat, différente de celle affichée publiquement, ce qui a suscité la colère d’Akhchichen.
Ce dernier a répliqué fermement : « Je ne viens pas te voir en tant que personne, Monsieur le ministre. Je représente un syndicat. » Mais le ministre a maintenu sa position, estimant que si le syndicat souhaitait exprimer une position officielle, il l’aurait fait par le biais d’une correspondance formelle.
Peu à peu, le débat s’est déplacé du contenu juridique du projet vers une confrontation autour de la légitimité représentative et de celui qui peut véritablement parler au nom de la profession.
Le projet de loi sur le Conseil national de la presse, déjà au centre de nombreuses controverses, a révélé cette fois-ci au grand jour un clivage profond au sein du corps journalistique : entre les partisans du scrutin par liste, qu’ils jugent garant d’un équilibre représentatif, et les défenseurs du scrutin individuel, perçu comme plus démocratique et moins soumis aux dynamiques d’appareil.
Dans cet échiquier complexe, Bensaid a insisté sur le fait que certaines demandes provenaient d’individus et non d’instances professionnelles, tentant ainsi de dissocier les prises de position personnelles des orientations officielles des organisations.
Malgré les efforts du présentateur pour ramener l’échange à un débat technique, l’émission a révélé une crise de confiance aiguë entre la tutelle et la principale organisation représentative des journalistes.
Lorsque le ministre a appelé à “l’objectivité et à la rigueur institutionnelle”, Akhchichen a rétorqué en exigeant “plus de courtoisie et d’éthique”, reflétant la sensibilité des rapports entre pouvoir public et acteurs professionnels.
Au-delà de l’incident télévisuel, cette confrontation met en lumière une question centrale pour l’avenir de la presse au Maroc : comment élaborer un cadre légal régissant la profession sans provoquer un affrontement ouvert entre les acteurs concernés ? Qui détient la légitimité pour formuler des propositions au nom des journalistes ? Et l’amélioration du secteur doit-elle passer par un processus institutionnel transparent ou par des négociations informelles en coulisses ?
Autant de questions révélées par un échange tendu entre un ministre et un syndicaliste, mais qui renvoient, en profondeur, à la fragilité du dialogue professionnel et à la nécessité urgente d’un débat structuré, serein et transparent, loin des accusations croisées.






