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Tunisie : Corruption financière et administrative dans plusieurs institutions publiques

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Dans son 29ᵉ rapport consacré au suivi des établissements publics, la Haute Instance de Contrôle Administratif et Financier a mis en lumière une série de violations et de dysfonctionnements tant sur le plan financier qu’administratif au sein de plusieurs institutions du pays.

Des observateurs estiment que la lutte contre la corruption constitue l’un des dossiers les plus brûlants sur la table du président Kaïs Saïed et de son gouvernement. Devenue une exigence populaire, cette bataille vise à traquer les responsables corrompus et à les soumettre à une justice équitable, d’autant plus que l’administration a été instrumentalisée au service d’intérêts politiques étroits.

Les travaux de suivi menés par la Haute Instance ont concerné 72 structures publiques, englobant des services administratifs centraux et régionaux, des établissements publics à caractère administratif et non administratif, des entreprises publiques, des fédérations sportives ainsi que des groupements professionnels et des coopératives.

Dans son rapport, remis récemment au chef du gouvernement Kamel Madouri, l’Instance a recensé 3 173 infractions relevées en 2023, dont 1 866 ont été corrigées, portant le taux global de redressement à 59 %.

Cependant, l’Instance a souligné que la majorité des structures publiques concernées par ces audits ne s’engagent pas spontanément dans un processus de réforme à la réception des rapports. Elles attendent l’intervention de l’Instance pour initier les corrections nécessaires ou engager les procédures administratives et judiciaires requises face aux fautes de gestion ou aux infractions à caractère pénal relevées.

L’Instance a également révélé de graves irrégularités dans la gestion des fonds sociaux de plusieurs institutions publiques, notamment l’Agence Foncière de l’Habitat, l’Agence Nationale du Tabac et des Allumettes, la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale et la Compagnie Tunisienne de Navigation. Parmi les infractions relevées, figurent d’importantes aides financières accordées aux employés aux dépens des budgets des institutions, sans fondement juridique.

Face à ces dérives, l’Instance appelle à la mise en place d’un cadre de référence réglementant la gestion des fonds sociaux, définissant leur cadre légal, leurs modes de financement et les avantages qu’ils peuvent accorder. Elle insiste également sur la nécessité d’un suivi rigoureux du recouvrement des prêts accordés par ces fonds et sur l’interdiction formelle pour les budgets publics d’en supporter la charge, même à titre exceptionnel.

L’expert financier et bancaire Mohamed Salah Jenadi alerte sur des dépassements systématiques au sein de plusieurs institutions publiques, dans un contexte où les besoins de financement sont récurrents chaque année. Il dénonce une dilapidation manifeste des fonds publics, aggravée par l’absence de mécanismes de suivi efficaces.

Dans une déclaration au journal Al-Arab, il insiste sur l’urgence d’établir des budgets clairs et transparents pour chaque entreprise publique, tout en soulignant que le problème dépasse la simple question du contrôle : c’est un problème structurel de gouvernance et d’organisation.

Selon lui, ces dysfonctionnements touchent l’ensemble des institutions publiques, notamment la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz, la Poste Tunisienne, la Société Tunisienne d’Exploitation et de Distribution des Eaux ainsi que les caisses sociales.

Il estime que les pertes des caisses sociales s’élèvent à près de deux milliards de dinars, tandis que la Poste Tunisienne accuse un déficit annuel de 54 millions de dinars. Face à cette situation alarmante, il exhorte le président Kaïs Saïed à désigner des compétences avérées à la tête des institutions publiques stratégiques afin d’endiguer l’hémorragie financière et administrative.

De son côté, la Haute Instance de Contrôle Administratif et Financier insiste sur la nécessité d’établir un guide des procédures visant à renforcer les principes de transparence et d’égalité entre les bénéficiaires des services des fonds sociaux.

Elle souligne également que les efforts de réforme ne doivent pas se limiter aux seules structures ayant fait l’objet d’un audit, mais doivent s’étendre à l’ensemble des organismes publics ou parapublics, sur la base des carences et irrégularités constatées, sans attendre un contrôle officiel pour agir.

L’Instance considère que la persistance et la récurrence des dysfonctionnements ne sont plus de simples anomalies isolées, mais bien un problème structurel nécessitant une approche transversale et radicale. Elle appelle ainsi à une révision des textes législatifs et réglementaires, dont certains ne sont plus adaptés aux réalités et aux exigences de la gestion publique moderne.

En outre, elle a formulé une série de recommandations générales et sectorielles, portant aussi bien sur l’organisation administrative que sur la gouvernance des systèmes d’information, avec pour ambition de garantir une gestion rigoureuse des ressources et d’améliorer la performance des institutions publiques.

En 2023, l’Instance a assuré 58 missions de suivi, examinant 56 rapports d’audit, répartis entre les trois inspections générales (36 rapports), la Cour des comptes (12 rapports) et les inspections ministérielles (5 rapports).

Le rapport, publié sur son site officiel, offre un résumé des activités de l’Instance dans ses divers domaines d’intervention au cours de l’année écoulée, en mettant en avant des recommandations essentielles pour renforcer l’efficacité et la transparence de la gestion publique en Tunisie.

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