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Rapport : Le manque de transparence, principal écueil du soutien public au secteur de la presse au Maroc

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Un rapport récent alerte sur le déficit de transparence entourant l’octroi du soutien public au secteur de la presse et de l’édition au Maroc, soulignant que les principaux dysfonctionnements résident dans l’absence de clarté et l’injustice des critères de répartition des aides financières publiques.

Élaboré par l’Institut Marocain d’Analyse des Politiques, le document critique le fait que le gouvernement actuel n’ait pas publié la liste des entreprises bénéficiaires de ce soutien, rompant ainsi avec une tradition de transparence établie par les gouvernements précédents, et privant ainsi les citoyens de leur droit à l’information.

Le rapport rappelle que le ministère de la Communication publiait régulièrement des rapports détaillant les « statistiques de la carte professionnelle de journaliste », comprenant les noms, numéros d’ordre et institutions employeuses des journalistes accrédités. Une pratique abandonnée par le Conseil National de la Presse depuis qu’il a hérité de cette mission, ce qui a suscité un sentiment de régression.

Alors même que la publication de la liste des détenteurs de la carte de presse professionnelle constituait une revendication pressante des acteurs du secteur, le Conseil s’était contenté, en 2021, d’annoncer l’ouverture de discussions avec la Commission Nationale de Protection des Données à caractère Personnel (CNDP) en vue de publier les listes pour les années 2020 et 2021. Aucun résultat n’a été communiqué depuis, ce qui laisse entrevoir, selon le rapport, une volonté manifeste de rétention de l’information.

Dans ce contexte, la Fédération Marocaine des Éditeurs de Journaux (FMEJ) a dénoncé l’inéquité flagrante des critères de distribution, soulignant des disparités considérables entre les entreprises médiatiques. Certaines d’entre elles ont vu leur aide multipliée par plus de 20, atteignant des montants colossaux, alors que d’autres ne reçoivent guère plus de 30 000 dirhams.

Le rapport insiste également sur la diversité des formats médiatiques : une publication numérique est exemptée des frais d’impression, de distribution et de logistique qui représentent entre 50 et 60 % des coûts d’un journal papier. Il est donc impératif, selon le document, que les mécanismes d’attribution du soutien prennent en compte ces variables pour garantir une répartition équitable.

L’analyse note que le dernier audit du soutien public à la presse remonte au rapport annuel de la Cour des Comptes pour les années 2016-2017, intitulé « Évaluation du soutien à la presse écrite », ce qui illustre un décalage avec la réalité actuelle du secteur et une focalisation excessive sur la presse imprimée.

Le rapport rappelle que tout financement public devrait obéir aux principes d’efficacité et d’efficience. S’il est indéniable que le soutien a permis le versement de salaires aux journalistes et la protection de leurs droits sociaux, il soulève néanmoins la question de la pertinence du financement des salaires des propriétaires d’entreprises de presse privées.

Le Conseil National de la Presse lui-même a alerté sur l’efficacité contestable de ce soutien, relevant que l’aide exceptionnelle avait accentué les inégalités, certains grands groupes en bénéficiant à des niveaux largement supérieurs, tandis que les petites et moyennes structures recevaient moins que ce qu’elles percevaient dans le cadre du soutien ordinaire.

L’Institut souligne que le soutien public a dérivé de sa vocation initiale — aider les entreprises de presse à consolider un modèle économique viable — pour devenir un mécanisme de paiement des salaires et cotisations sociales, assimilant les journalistes du privé à des agents des médias publics.

Ce glissement suscite des interrogations sur l’indépendance de la presse, d’autant que certains organes, notamment en ligne, sont accusés de se transformer en relais des politiques gouvernementales.

Dans cette veine, le rapport cite les propos de Noureddine Miftah, président de la FMEJ, qui qualifie le soutien exceptionnel d’illégal au regard de la loi, notamment de l’article 7 du Code de la presse. Il estime que si ce soutien continue de se traduire par le paiement direct des salaires, une refonte législative s’impose. Il s’interroge également sur la portée de ce financement pour les journalistes eux-mêmes, rappelant que c’est aux entreprises de presse qu’il incombe de rémunérer leurs équipes et de valoriser leurs compétences.

À l’inverse, le Conseil National des Droits de l’Homme recommande une augmentation significative du soutien public — direct et indirect — au secteur, afin de promouvoir la diversité, la modernisation des entreprises et la pérennité économique du paysage médiatique. Il insiste toutefois pour que les critères de répartition reflètent ces objectifs structurels.

Le rapport plaide pour une approche fondée sur la transparence, la redevabilité et l’efficacité, seules garantes d’un environnement démocratique où l’entreprise de presse conserve son autonomie et les journalistes, leur dignité. Cela, notamment dans le cadre de l’application des plafonds de soutien à la gestion, à l’investissement, à l’impression et à la distribution.

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