Paris pourra-t-elle céder à la pression de la Justice belge au risque de sacrifier ses liens avec le Maroc ?
Il va sans dire que la résolution du Parlement européen a donné un nouveau coup de froid aux relations franco-marocaines, qui demeurent glaciales malgré la nomination d’un nouvel ambassadeur et l’annonce d’une prochaine visite du Président Emmanuel Macron au Maroc. La participation active des eurodéputés macronistes dans le vote de la résolution hostile au Royaume a été de nature à exacerber la crise de confiance.
Maintenant, Paris est face à une nouvelle décision qui serait lourde de conséquences. Les autorités françaises auraient reçu un mandat d’arrêt de la part de leurs homologues belges contre des responsables marocains, à en croire une révélation du Figaro, relayée par son grand reporter pour l’Afrique du Nord et du Moyen Orient, Georges Malbrunot. Le sérieux d’une telle démarche est mis en doute par plusieurs commentateurs. Maître Mehdi Salmouni Zehrouni, spécialiste du droit européen y voit un “coup de bluff judiciaire”.
Au-delà de ces soupçons, la demande de la police belge n’a pas manqué d’embarrasser les autorités françaises, dont une source diplomatique s’est confiée au quotidien de droite. Celle-ci a fait part de l’embarras qui règne à Paris, en laissant entendre que le gouvernement français mesure l’ampleur des conséquences de l’arrestation des responsables visés, dont l’identité n’a pas été révélée. “Nous sommes embarrassés, ces personnes ont des enfants en France. Nous n’aurions pas dû les arrêter à leur descente d’avion s’ils venaient les voir”, a lâché le diplomate au Figaro qui s’est fait le porte-parole de son pays.
Paris pourra-t-elle céder à la pression de la Justice belge au risque de sacrifier ses liens avec le Maroc ? Cette hypothèse peu vraisemblable, selon Ahmed Dardari, expert en relations internationales et président du Centre international d’observation des crises et de prospection des politiques. “Je ne pense pas que les autorités françaises puissent donner une suite favorable aux demandes des autorités belges, car cela risque d’avoir des conséquences sur les relations avec le Maroc et de susciter une polémique en France, ce qui n’est point de l’intérêt du président Macron”, estime notre expert, qui ne donne pas beaucoup d’importance à la demande des autorités belges, qui ne sont, qu’un coup de communication.
En effet, la démarche de la police belge a soulevé beaucoup de questions. Le président de la Commission mixte Maroc-UE, Lahcen Haddad, a fait part de son étonnement de voir que les autorités belges font appel aux autorités françaises au lieu de transmettre leur demande au Maroc. “Pourquoi la justice belge demande-t-elle aux autorités françaises et pas aux autorités marocaines?”, s’est-il demandé, sur son compte Twitter, ajoutant avec ironie : “À ce que je sache, le protectorat français du Maroc est bel et bien terminé depuis 1956. Le sait-elle? Le savez-vous?”.
À court de preuves, le Parlement européen s’est obstiné à impliquer le Maroc en l’attaquant sur le terrain des droits de l’homme. “Le Maroc reste la cible de certains partis opérant au sein du PE. Avec des agendas cachés, ces derniers multiplient les attaques médiatiques, pour entraîner le Parlement européen dans des manœuvres anti-marocaines”, explique Ahmed Dardari à cet égard, ajoutant qu’il est clair que certaines mouvances au sein PE n’hésitent pas à faire du chantage pour servir des intérêts de circonstance sans tenir compte des équilibres et des intérêts stratégiques. Cette attitude a été sévèrement décriée par l’eurodéputé français, Thierry Mariani, qui, lors d’une séance plénière tenue lundi, a décidé les agissements de ses collègues en appelant à renouer le dialogue avec le Maroc, “l’un des piliers de la politique européenne en Afrique ».
Et pourquoi la justice belge demande-t-elle aux autorités françaises et pas aux autorrités marocaines? A ce que je sache le protectorat français du Maroc est bel et bien terminé depuis 1956. Le sait-elle? Le savez-vous? @Malbrunot @Le_Figaro #néocolonialisme https://t.co/zjGhtSPa77
— Lahcen Haddad, PhD (@Lahcenhaddad) February 13, 2023