Leila Benali et la crise de confiance : une tentative maladroite d’imputer la responsabilité à la presse
Lors d’une prise de parole qui ne manquera pas de susciter la controverse, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, s’est engagée dans une argumentation pour le moins déroutante lors d’une rencontre organisée par la Fondation Al Faqih Tetouani à Salé.
Interpellée sur la crise de confiance qui mine la scène politique marocaine, elle a choisi d’en faire porter la responsabilité à la presse nationale, estimant que celle-ci devait jouer un rôle central dans la réhabilitation de l’image de la classe politique et des institutions élues.
Dans une déclaration qui a rapidement pris des airs de « dérision politique », la ministre a affirmé que « la presse a une grande responsabilité dans la restauration de la confiance en politique, et en l’action publique ». Ce faisant, elle semble avoir ignoré, ou du moins éludé, une réalité fondamentale : la réconciliation entre les citoyens et la sphère politique relève en premier lieu des partis eux-mêmes. Ces derniers, souvent critiqués pour leur manque de proximité avec les préoccupations des citoyens, ont progressivement contribué à l’érosion de la confiance populaire en s’éloignant de leurs engagements initiaux et en négligeant le devoir de rendre compte.
Face à cette assertion discutable, la journaliste Sanae Rahimi, présente parmi les interlocuteurs de la ministre, n’a pas tardé à opposer une réplique cinglante. Avec lucidité, elle a tenu à rappeler que la réhabilitation de la confiance politique ne saurait être un fardeau imposé aux seuls médias, mais bien une mission première des formations partisanes, dont la crédibilité repose avant tout sur leur capacité à répondre aux attentes des citoyens et à défendre leurs intérêts avec constance et intégrité.
Mais c’est une question audacieuse qui a véritablement mis la ministre en difficulté. S’adressant directement à Leila Benali, Sanae Rahimi lui a lancé d’un ton incisif : « Avez-vous la certitude que les Marocains se rendront massivement aux urnes lors des prochaines échéances électorales ? » Une interrogation aussi légitime que redoutable, tant elle met en lumière l’essence même du malaise politique actuel : la rupture entre les citoyens et leurs représentants. Décontenancée, la ministre n’a pas su formuler de réponse, laissant ainsi flotter un silence qui, à lui seul, en disait long sur la profondeur du problème.
Cet échange illustre, une fois encore, le fossé qui ne cesse de se creuser entre la classe politique et la société civile, entre les discours officiels et les réalités du terrain. Si la presse joue incontestablement un rôle essentiel dans l’information et le débat démocratique, il apparaît pour le moins simpliste – voire opportuniste – de lui assigner la responsabilité de réparer une confiance que seules des réformes profondes, une gouvernance exemplaire et un engagement sincère envers les citoyens pourraient véritablement restaurer.