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La généralisation de l’enseignement de l’anglais au Maroc : une évolution linguistique ou un éloignement symbolique de Paris ?

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À partir de la rentrée scolaire de septembre prochain, l’enseignement de l’anglais sera étendu à tous les collèges du Maroc, qu’ils soient publics ou privés. Cette décision a été accueillie très favorablement par l’ensemble de la population marocaine, en particulier par la jeunesse qui semble montrer un intérêt croissant pour la langue de Shakespeare plutôt que celle de Molière. Une étude menée par le British Council en 2021 révèle que 40 % des jeunes Marocains interrogés estiment que l’apprentissage de l’anglais est plus important que celui du français, alors que seulement 10 % pensent le contraire.

Selon Noureddine Ayouch, pionnier de la publicité au Maroc et fervent défenseur des langues, il est préférable de ne pas considérer cette mesure comme un signe de remplacement du français par l’anglais, ce qui n’est ni souhaitable ni réaliste. Cependant, la décision du ministre de l’Éducation nationale, Chakib Benmoussa, d’introduire l’anglais dans tous les collèges marocains témoigne indéniablement d’une diminution de l’attrait pour le modèle français et d’une certaine désaffection envers la France. Cela reflète également la volonté de s’ouvrir à d’autres cultures et opportunités, similaire à la diversification des partenariats économiques et politiques en matière de diplomatie.

Dans sa réponse à une question de JeuneAfrique, Noureddine Ayouch a déclaré que la généralisation de l’enseignement de l’anglais n’est pas une affaire de mauvaise humeur et ne doit pas se faire au détriment du français, parce qu’il y a toute une culture, tous ces grands auteurs et ces grands artistes français que nous avons étudiés, aimés…

Il y a aussi tout un passé commun et un présent au niveau des affaires, et des liens avec des personnes admirables. Je ne parle pas des Français en général qui sont, je dirais, un peu racistes vis-à-vis des pays et des peuples comme les nôtres, et d’une manière générale vis-à-vis des Africains.

Un racisme de plus en plus frontal et décomplexé qui s’exprime à travers des partis comme celui de Marine Le Pen et d’autres, mais aussi dans les médias. On a vu Éric Zemmour, lors de la dernière présidentielle, axer toute sa campagne sur ça. C’est un véritable délitement de la classe politique et des valeurs françaises, et qui a un impact certain sur l’image de la France au Maroc.

Concernant l’enlisement de la crise Maroc-France, Noureddine Ayouch a affirmé que c’est d’abord une affaire de personnes qui aurait pu être dépassée. Mais le président Macron n’a pas fait ce qu’il fallait pour débloquer les choses : on attendait de lui qu’il présente des excuses, d’une manière ou d’une autre. Non seulement il ne l’a pas fait, mais il semble déterminé à ne pas faire les bons choix en matière d’entourage.

Il n’a pas de conseillers suffisamment expérimentés politiquement et qui comprennent réellement les pays du Maghreb pour lui permettre de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve, que ce soit avec le Maroc ou avec l’Algérie. Car indépendamment de la crise avec Rabat, le rapprochement avec Alger semble très fragile, malgré l’impression de lune de miel donnée par le voyage d’Emmanuel Macron l’été dernier. Les nombreux atermoiements autour de la venue de Tebboune à Paris en témoignent, tout comme les proportions prises par l’affaire Amira Bouraoui et tous les sous-entendus sur le rôle joué par les services français.

Cette faille dans le choix de ses conseillers en dit long sur le tempérament et la profondeur politique de Macron lui-même – qui pourtant est une personne intelligente par ailleurs, dotée d’un esprit très agile. Mais aussi du délitement et du déclin intellectuel de la classe politique française, en proie à une crise profonde et souffrant d’une absence d’alternatives incarnées par de nouvelles figures.

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