L’écrivain franco-algérien Kamel Daoud fait l’objet d’une plainte en France pour atteinte à la vie privée, déposée par l’Algérienne Saâda Arabane, qui l’accuse d’avoir plagié son histoire pour en faire l’intrigue centrale de son roman Houris. Ce dernier a remporté l’an dernier le prestigieux prix Goncourt.
Selon des sources médiatiques françaises, une première audience procédurale est prévue le 7 mai prochain devant le tribunal judiciaire de Paris. Le site d’information Mediapart a également rapporté cette affaire vendredi.
D’après ces sources, Kamel Daoud et sa maison d’édition Gallimard ont reçu leur convocation jeudi dernier lors d’une séance de dédicace près de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France.
Houris est un roman sombre dont l’intrigue se déroule en partie à Oran et met en scène une jeune héroïne, Aube, devenue muette après avoir été égorgée par un islamiste le 31 décembre 1999.
Dans une interview accordée en novembre dernier à la chaîne algérienne One TV, Saâda Arabane, 31 ans, a affirmé que le personnage principal de Houris correspondait en tous points à son propre vécu. Elle affirme avoir survécu en 2000 à une tentative d’égorgement par des jihadistes, ce qui l’oblige depuis à porter une trachéotomie pour respirer et parler. Kamel Daoud aurait fait sa connaissance dans le cadre de son traitement médical, assuré entre 2015 et 2023 par son épouse, la psychiatre Aïcha Dahdouh.
Soutenue par plusieurs témoignages écrits, Saâda Arabane réclame dans sa plainte des dommages et intérêts à hauteur de 200 000 euros, ainsi que la publication du jugement en cas de condamnation. Elle estime qu’« l’hypothèse d’une simple coïncidence est absolument inconcevable ».
Selon le dossier judiciaire, la plaignante n’avait aucune intention de rendre son histoire publique et « n’a jamais consenti à ce que Daoud s’en empare », bien que l’écrivain ait formulé « trois demandes » entre 2021 et 2024. La plainte souligne également qu’Arabane était « résolue à ce que personne ne s’approprie cette histoire intime et singulière », d’autant plus qu’une telle révélation pourrait l’exposer à des poursuites judiciaires en Algérie.
De son côté, Kamel Daoud a réagi en déclarant que « tout le monde en Algérie, et particulièrement à Oran, connaît l’histoire d’Arabane. C’est une affaire publique. » Il a ajouté : « Je suis désolé, mais je ne peux rien y faire si elle se reconnaît dans un roman qui ne mentionne ni son nom, ni sa vie, ni les détails de son existence. »
La maison d’édition Gallimard a dénoncé « des campagnes de diffamation virulentes orchestrées par certains médias proches d’un régime dont la nature est bien connue ».
Houris n’a jamais pu être publié en Algérie, où la loi interdit toute œuvre évoquant la guerre civile de 1992 à 2002, période connue sous le nom de « décennie noire », qui a fait quelque 200 000 morts selon les chiffres officiels.