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De Oujda à Rabat… Le train de l’Orient qui voyage hors du temps

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Prendre le train d’Oujda vers Rabat n’est pas un simple déplacement, mais une longue épreuve d’endurance et de patience. Huit heures, parfois plus, s’écoulent avec une lenteur accablante, donnant au voyageur l’impression de remonter le temps au lieu de l’accompagner.

Alors que le Maroc se targue de son train à grande vitesse reliant Tanger à Casablanca en moins de trois heures, l’Orient reste suspendu à des voies anciennes, toujours desservies par des locomotives au diesel, privées d’une électrification qui pourrait rendre le voyage plus humain, moins éprouvant. Comment concevoir que la ligne Fès–Oujda, artère vitale de la région orientale, demeure absente des priorités de modernisation, à l’heure où l’on proclame haut et fort l’équité territoriale et la justice spatiale ?

La souffrance ici ne se réduit pas à des chiffres abstraits, mais s’incarne dans des visages fatigués, assis dans les compartiments du train; un étudiant qui lutte contre le temps pour rejoindre son examen, un fonctionnaire contraint de quitter son domicile à l’aube pour n’arriver qu’en milieu d’après-midi, une mère portant ses enfants dans un voyage interminable, bercé par le bruit et l’attente. Tous paient le prix du retard dans l’investissement des infrastructures, comme si l’Orient n’était pas une partie intégrante de la géographie nationale, digne elle aussi d’un service public moderne.

À cette lenteur s’ajoute une autre absurdité; le prix du billet; débourser près de 200 dirhams pour ce trajet relève de l’injustice, tant le service offert demeure indigne de ce coût. Comment justifier un tarif aussi élevé alors que le voyageur, contraint de patienter des heures durant, ne trouve même pas dans les wagons des commodités élémentaires ? Les toilettes, dépourvues de papier hygiénique, deviennent le symbole d’un service public défaillant, où l’on paie le prix fort sans recevoir le minimum de considération.

À ce tarif déjà exorbitant — près de 200 dirhams pour un confort précaire — s’ajoute une contrainte supplémentaire qui rend le voyage encore plus insupportable : les arrêts intempestifs et les retards répétés qui jalonnent le trajet. Le train s’immobilise parfois au milieu de nulle part, sans explication, et chaque interruption rallonge un temps de parcours déjà excessif. Ce qui devait être une traversée de plus de huit heures se mue alors en un périple interminable, où l’on compte moins les kilomètres que l’on ne subit les minutes perdues.

Certes, nul ne nie les efforts déployés pour réhabiliter certains tronçons et rénover quelques gares, mais que valent ces retouches cosmétiques quand le problème de fond demeure : l’absence d’électrification et la dépendance à des locomotives lentes, incapables de suivre le rythme du temps présent ? Tous paient le prix de choix d’investissement qui placent toujours le littoral au premier plan, et relèguent l’Orient à la marge.

L’équité territoriale n’est pas un slogan réservé aux discours officiels. Elle se traduit par des trains de l’Orient qui arrivent à l’heure, à une vitesse digne de la citoyenneté, et par le sentiment, pour les habitants d’Oujda, de Nador et de Taourirt, d’être égaux dans leur droit à la mobilité, tout comme leurs concitoyens du Nord et du Centre.

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