Cybersécurité : Face aux menaces venues d’Algérie à quoi ont servi les 20 milliards du ministère numérique ?
Le récent piratage ayant ciblé plusieurs portails d’institutions publiques au Maroc a ravivé une inquiétude profonde : celle de la vulnérabilité numérique d’organismes censés incarner l’autorité de l’État.
Cet incident, loin d’être anodin, met en lumière l’inadéquation flagrante entre les budgets faramineux octroyés chaque année aux ministères et l’absence d’investissements stratégiques en matière de cybersécurité. Alors que la menace cybernétique se fait plus pressante à l’échelle mondiale, les données sensibles liées à la souveraineté nationale, aux citoyens et aux fonctionnaires restent, paradoxalement, exposées.
La création du ministère de la Transition numérique, confiée précédemment à Ghita Mezzour — encensée pour son expertise supposée en intelligence artificielle et en cybersécurité — avait suscité de grands espoirs. Mais l’illusion s’est rapidement dissipée. Derrière le discours moderne et les promesses de transformation digitale, la réalité est venue frapper de plein fouet : l’institution a dérivé en simple administration bureaucratique, incapable de répondre aux défis technologiques contemporains, plus préoccupée par la distribution de marchés publics à des sociétés privilégiées que par l’édification d’un véritable bouclier numérique national.
Le camouflet est d’autant plus cinglant que les moyens financiers mobilisés sont colossaux. Le budget alloué au ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration pour l’année 2024 révèle l’ampleur d’une gestion dispendieuse sans retombées palpables : une enveloppe de 1,758 milliard de dirhams est dédiée à l’investissement, 187,8 millions de dirhams engloutis par l’acquisition de matériel et les dépenses diverses, et 85,8 millions de dirhams absorbés par les frais de personnel. Or, malgré ces montants impressionnants, les résultats sur le terrain restent invisibles, voire inexistants.
Ce constat pose une question essentielle : à quoi bon ériger de nouvelles entités ministérielles si celles-ci ne sont pas dotées d’une vision claire, de compétences effectives et d’une volonté politique ferme ? La démission silencieuse de Ghita Mezzour, qui a quitté ses fonctions par la petite porte, incarne l’échec cuisant d’une politique qui, au lieu de renforcer l’édifice numérique national, a contribué à en fissurer les fondations.
Par la nomination d’Amal El Fallah Seghrouchni comme ministre déléguée auprès du Chef du Gouvernement, chargée de la Transition numérique, l’espoir d’un redressement s’est vite dissipé. Malgré son profil académique flatteur et sa notoriété dans le domaine de l’intelligence artificielle, elle s’est montrée incapable d’apporter des réponses concrètes à cette crise majeure. Son action, jusqu’ici, s’est limitée à des effets d’annonce creux, sans stratégie claire ni vision opérationnelle pour doter le Maroc d’une véritable muraille numérique à la hauteur des menaces, notamment celles émanant d’Algérie, dont les soupçons pèsent lourdement sur ces actes de piratage.
En outre, face aux cyberattaques répétées, le Maroc se découvre désarmé, faute d’avoir su transformer ses ambitions numériques en une réalité tangible. Un constat amer, au prix de 20 milliards de dirhams par an.