En trois ans, il avait survécu à pas moins de quatre remaniements. Mais le dernier, annoncé le 16 mars par la présidence algérienne, lui a été fatal : cette fois, le très controversé Kamel Rezig n’est plus ministre du Commerce et des Exportations. Réputé proche du chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, il a toutefois été repêché et nommé, deux jours plus tard, conseiller à la présidence.
On le pensait en disgrâce depuis que, ces dernières semaines, le président s’était ouvertement emporté à plusieurs reprises contre sa gestion de la restriction des importations. Une mesure censée protéger la production nationale mais qui s’est étendue jusqu’aux produits qui ne sont pas fabriqués localement, comme les pièces de rechange automobiles, sous forte tension en Algérie, affirme JeuneAfrique.
Lors de son entrevue périodique, fin février, avec les représentants des médias nationaux, Tebboune avait qualifié les nombreuses pénuries sur le marché « d’inacceptables », estimant que « la substitution des importations doit intervenir une fois l’augmentation de la production locale, sa disponibilité et la capacité à couvrir les besoins nationaux confirmées ». Des propos venus corroborer le contenu d’une dépêche de l’agence de presse officielle évoquant, quelques jours plus tôt, une « grande colère du président contre le blocage de certaines importations à l’origine des pénuries et de l’envolée des prix de certains produits ».
Nommé à la présidence, Kamel Rezig, diplômé en économie et en finances, hérite d’un poste moins exposé, ce qui évitera peut-être les dérapages dont il était devenu coutumier. Le plus récent remonte à la mi-février, quand le ministre s’est adressé avec arrogance à un député qui lui reprochait de ne pas répondre à sa question. Un incident suffisamment remarqué pour pousser, ce qui est rare, le bureau de l’Assemblée à dénoncer dans un communiqué « un manque de respect à un député et à la dignité de l’institution constitutionnelle et une attitude incompatible avec le statut d’un membre du gouvernement ».
Sur les réseaux sociaux, déclare la même source, il est aussi reproché à Kamel Rezig un goût pour la politique spectacle, sans réel effet sur le terrain. Une séquence datant du 20 octobre 2020 avait beaucoup circulé sur la Toile : on y voit l’ex-ministre s’emporter contre la mauvaise gestion de la datte algérienne. Kamel Rezig critiquait l’approche des producteurs nationaux incapables, disait-il, de mettre un label à leur produits avant son exportation. « Notre deglet nour est l’une des meilleures, pourtant nous l’exportons en vrac en Tunisie et elle est réexportée sous label tunisien ». En octobre de la même année, les internautes avaient aussi tourné en dérision l’exportation vers la Chine d’une cargaison de pattes de poulet, présentée comme un exploit commercial.
Les polémiques qu’il suscite redoublent en mars 2021, lorsque Kamel Rezig annonce vouloir sanctionner les commerces qui utilisent d’autres langues que l’arabe classique sur leurs enseignes.
Début 2023, enfin, l’ancien ministre du Commerce a achevé de confirmer sa réputation de conservateur. Juste après la Coupe du monde de football au Qatar, ses services ont lancé une campagne contre « des produits contenant des couleurs et symboles arc-en-ciel des homosexuels », jugés « attentatoires aux valeurs morales et à la religion de l’État, l’islam ». Pour beaucoup d’Algériens, cette croisade homophobe avait surtout pour but de détourner l’attention de la question brûlante du coût de la vie, avec une inflation de 9,4 %.