Un climat de tension croissante secoue le secteur de la santé à Agadir, après qu’un médecin a menacé le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Amin Tehraoui, de révéler des informations jugées “graves” concernant les décès répétés de femmes enceintes à l’hôpital Hassan II, surnommé “l’hôpital de la mort”. Cette réaction intervient à la suite de la suspension de plusieurs médecins et responsables du bloc opératoire, accusés d’être responsables des drames survenus dans l’établissement.
Dans une publication sur Instagram, le docteur Ahmed El Farsi, exerçant au sein du même hôpital, a donné 72 heures au ministre pour réhabiliter les praticiens suspendus, qu’il qualifie d’“boucs émissaires”, menaçant dans le cas contraire de rendre publiques des données compromettantes. « Si vous ne rendez pas justice aux médecins et aux encadrants injustement suspendus, je jure que tous les Marocains connaîtront la vérité sur cette mascarade », a-t-il écrit.
La réaction du coordination syndicale nationale du secteur de la santé, qui regroupe six centrales syndicales, ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué publié mercredi 8 octobre 2025, elle a fermement condamné les suspensions, estimant qu’il s’agit d’une “stratégie d’évitement et de diversion” visant à dissimuler les défaillances structurelles du système de santé.
Les syndicats dénoncent “le manque criant de personnel”, “la faiblesse des budgets”, “la dégradation des infrastructures”, “le manque d’équipements et de médicaments”, ainsi que “l’absence de gouvernance et de responsabilité”. Selon eux, imputer la faute à quelques soignants revient à couvrir des années de mauvaise gestion et de politiques publiques inefficaces.
Le communiqué critique également la communication du ministère, qui aurait publié un communiqué annonçant les suspensions et la saisine du parquet avant même la fin des enquêtes, ce qui constitue selon eux “une forme de diffamation institutionnelle”. Ils s’interrogent : « Où était l’inspection générale du ministère pendant toutes ces années de corruption et de mauvaise gestion ? »
Le syndicat affirme que la poursuite des décès maternels malgré les suspensions prouve que le problème est systémique et non individuel. Il appelle à une réforme structurelle et globale du système de santé, fondée sur une volonté politique réelle et visant à garantir des conditions de travail dignes pour les professionnels et des soins de qualité pour les citoyens.
Il réclame également la levée immédiate des suspensions et le versement des salaires gelés, tout en demandant l’adoption rapide du référentiel des professions de santé et des textes réglementaires relatifs au transport sanitaire et à la définition des fonctions médicales.
Cette crise fait suite au décès d’une femme enceinte, mardi 7 octobre 2025, transférée d’urgence de l’hôpital Mokhtar Soussi de Biougra vers l’hôpital Hassan II d’Agadir, où elle a succombé à une hémorragie après deux interventions chirurgicales.
Selon la Direction régionale de la Santé de Souss-Massa, la patiente avait été admise en urgence à Biougra, où une césarienne avait été pratiquée dans des conditions jugées adéquates. Victime d’une hémorragie post-partum, elle avait ensuite été transférée à Agadir, où elle est décédée malgré les efforts médicaux. Son bébé, lui, est toujours sous surveillance médicale.
Ce nouveau drame survient après une série de décès similaires ayant provoqué des manifestations de colère. Le 14 septembre 2025, une marche de protestation massive avait réuni des centaines de citoyens, des associations et des militants des droits humains devant l’hôpital Hassan II, pour dénoncer les défaillances du système de santé régional.
La situation a pris une tournure politique avec l’entrée en scène du mouvement “Génération Z”, qui a relayé la colère populaire en exigeant la démission du gouvernement d’Aziz Akhannouch et des réformes urgentes dans les secteurs vitaux, notamment la santé et l’éducation.
Face à la montée du mécontentement, le ministère de la Santé avait annoncé, le 6 octobre 2025, la transmission du dossier des décès au parquet et la suspension préventive des professionnels impliqués, en attendant les résultats des enquêtes judiciaires et administratives.
Le communiqué ministériel assurait que “les investigations menées par l’inspection générale ont été achevées” et que “toutes les mesures nécessaires ont été prises conformément à la loi”, mais sans convaincre les syndicats ni calmer la colère des professionnels.






