Affaire des médicaments : l’opposition maintient la pression pour une commission d’enquête

Au cœur de la controverse provoquée par ce que le député Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du PJD, a qualifié de “scandale” lié à l’importation de médicaments, plusieurs groupes de l’opposition ont réclamé la création d’une commission d’enquête parlementaire, malgré l’initiative du gouvernement visant à convoquer une réunion de la Commission des secteurs sociaux en présence du ministre de la Santé pour fournir des explications.

Dans ce contexte, Ahmed Sentissi, président du groupe haraki, a insisté sur la nécessité d’activer cette commission, estimant qu’il s’agit de “l’instrument constitutionnel le plus apte à établir la vérité”. Il a également dénoncé la convocation “précipitée” d’une nouvelle réunion pour discuter des marchés de médicaments, alors que — selon lui — des demandes précédentes du groupe parlementaire sont restées sans suite.

Sentissi a rappelé que son groupe avait sollicité une réunion dédiée à la politique pharmaceutique, suivie d’une autre demande portant sur la nécessité d’assurer le stock stratégique des médicaments.

De son côté, Abdellah Bouanou a réaffirmé que la simple tenue d’une réunion ne suffisait pas, appelant à la constitution d’une commission d’enquête. Il a souligné que “le gouvernement donnera sa version lors de cette réunion, mais l’autre partie ne pourra être entendue que dans le cadre d’une commission d’enquête”.

Pour Fatima Tamni, députée de la Fédération de la gauche démocratique, “chaque fois qu’un dossier sensible éclate — que ce soit l’affaire des médicaments ou d’autres — la majorité s’empresse de fermer les portes au lieu de les ouvrir”. Elle a ajouté que le refus implicite du gouvernement de créer une commission d’enquête constitue en soi “un signal politique dangereux”. Elle a insisté : “La commission d’enquête n’est pas une réunion protocolaire. C’est un mécanisme constitutionnel lourd, qui met les responsabilités sur la table et révèle les faits au public sans artifice”.

Tamni a relevé que l’affaire des médicaments “constitue un scandale touchant aux finances publiques et à la santé des Marocains”, estimant qu’il était “évident” qu’une commission d’enquête devait être activée immédiatement.

Selon elle, le gouvernement a préféré une réunion “apaisée” au sein de la commission parlementaire, plutôt qu’un véritable examen parlementaire approfondi, y voyant une tentative de “désamorcer la crise et d’éteindre la colère des citoyens”.

Elle a accusé l’exécutif de traiter le Parlement “comme une simple annexe administrative”, rappelant que les mécanismes de contrôle sont “gelés dès qu’un dossier sensible surgit”.

Tamni a lancé un défi : “Si le gouvernement n’a rien à cacher, qu’il accepte la commission d’enquête. Refuser, même implicitement, est déjà un signal politique alarmant”.

Selon Abdellali Hamieddine, professeur de droit constitutionnel et sciences politiques à l’Université Mohammed V de Rabat, les partis de la majorité refusent l’idée d’une commission d’enquête “par crainte d’une défaite lors des prochaines élections”.

Il estime que la révélation des faits entraînerait “un choc politique majeur”, aux conséquences électorales directes, précisant que le PJD “ne dispose pas du nombre suffisant de députés pour imposer la création de cette commission”.

Pour l’universitaire, ces réticences relèvent avant tout de la majorité et de “certains groupes de l’opposition habitués à jouer double jeu, un pied dans l’opposition et un pied dans la majorité”.

Il considère que ce blocage vise à protéger le gouvernement des conclusions d’une éventuelle commission, conclusions qui pourraient renforcer les accusations d’opposition concernant les marchés des médicaments — un dossier qu’il compare à la “scandaleuse affaire des subventions destinées à l’importation de bovins et d’ovins”.

Hamieddine conclut : “Ce que révélerait la commission serait la preuve la plus éclatante que ce gouvernement entretient la corruption, la protège et lui offre une couverture pour l’institutionnaliser et faire du poste public un moyen d’enrichissement illégal”.

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