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Retraites: ce que le Conseil constitutionnel a décidé

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Le Conseil constitutionnel a validé, vendredi 14 avril, l’essentiel de la réforme des retraites, dont sa mesure-phare de recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Il a toutefois rejeté six mesures mineures, dont l’« index seniors » et le « CDI seniors », considérés comme des « cavaliers sociaux ».

Le Conseil constitutionnel était appelé à se prononcer sur la conformité à la Constitution de cette réforme des retraites, adoptée dans des conditions décriées. Il avait été saisi à la fois par la première ministre Elisabeth Borne et par trois groupes distincts de parlementaires d’opposition – la Nouvelle Union populaire et sociale (Nupes) et le Rassemblement national (RN), côté Assemblée nationale, la gauche, côté Sénat. Plusieurs points de droit, qui suscitaient beaucoup de débats, ont été tranchés par les magistrats de la juridiction suprême.

Le Conseil constitutionnel a admis que les dispositions relatives à la réforme des retraites « auraient pu figurer dans une loi ordinaire ». Mais le fait que le gouvernement ait fait le choix « de les faire figurer au sein d’une loi de financement rectificative ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle ». « Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur à cet égard », ont conclu les magistrats.

Il a estimé que l’usage de l’article 47.1 était possible tant pour les lois de finance initiales que pour les lois de finance rectificatives, et que « l’urgence ne constitue pas une condition de leur mise en œuvre ».

Il ainsi reconnu que « l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel ». Pourtant, le fait qu’elles aient été utilisées « cumulativement » n’est pas « de nature à rendre inconstitutionnel l’ensemble de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de cette loi ».

Il a estimé que les « l’ensemble des documents exigés » par la loi avaient été fournis par le gouvernement. Quant aux approximations des ministres sur la question des 1 200 euros, elles étaient selon eux « sans incidence sur la procédure d’adoption de la loi », « dès lors que ces estimations ont pu être débattues ».

La décision rappelle aussi les grandes lignes de l’avis du HCFP, qui jugeait plausible l’hypothèse de croissance de 1 % en 2023, « un peu basses » les prévisions d’inflation, et incertaine l’hypothèse d’une progression de la masse salariale.

Mais, conclut le Conseil constitutionnel, « il ne ressort pas de l’avis du Haut Conseil des finances publiques que les hypothèses économiques pour l’année 2023 sur lesquelles est fondée la loi déférée étaient entachées d’une intention de fausser les grandes lignes de son équilibre ».

Il a estimé que le gouvernement était fondé à recourir au 49.3 puisque « l’exercice de [cette] prérogative (…) conférée au premier ministre n’est soumis à aucune autre condition ». Dans la mesure où « le texte élaboré par la commission mixte [paritaire] peut être soumis par le gouvernement pour approbation aux deux Assemblées », « la première ministre pouvait, au stade de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, engager la responsabilité du gouvernement sur le vote de l’ensemble du projet de loi », estiment les magistrats.

Il a estimé que la création de ces fonds aurait bien une incidence sur les dépenses de l’année 2023, puisqu’ils sont alimentés chaque année « par une dotation des régimes obligatoires de base d’assurance-maladie ». Cette partie de la réforme est donc validée.

Sans se prononcer sur le fond des mesures, les « sages » ont jugé que l’« index seniors » et le « CDI seniors » n’avaient effectivement pas leur place dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale : « Ces dispositions n’ont, en 2023, pas d’effet, ou un effet indirect, sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. » Elles sont donc censurées et seront absentes du texte qui entrera en vigueur en septembre.

Les parlementaires de gauche jugeaient que la création de visites médicales (article 17) pour les salariés exposés à trois facteurs de risque professionnels relevait également du « cavalier social ».le Conseil constitutionnel a suivi l’avis des oppositions, estimant que cette mesure n’aura « pas d’effet ou un effet trop indirect » sur les dépenses de la Sécurité sociale. Elle est donc censurée et sera absente du texte qui entrera en vigueur en septembre.

La réforme prévoit que les périodes passées par des fonctionnaires dans des emplois de catégorie active ou super-active dans les dix ans avant leur titularisation soient comptabilisées pour l’obtention d’une retraite anticipée.
Les « sages » ont suivi l’avis des oppositions en censurant cette mesure, au motif qu’elle n’avait pas d’impact sur le budget 2023 de la Sécurité sociale. En effet, elle n’aurait pas eu d’effet avant plusieurs années, puisqu’elle ne se serait appliquée qu’aux périodes travaillées « après la publication de la loi », et n’aurait bénéficié qu’aux fonctionnaires prenant leur retraite dans plusieurs années.

Le Conseil constitutionnel a invalidé deux autres dispositions de la réforme que les oppositions n’avaient pas pointées du doigt dans leurs saisines :

l’article 6, une disposition très technique qui modifiait l’organisation du recouvrement des cotisations sociales ;
l’article 27, qui imposait à l’administration de proposer automatiquement un rendez-vous aux personnes aux carrières hachées pour les conseiller sur leur carrière.
Sans se prononcer sur le fond, les « sages » ont estimé que ces deux mesures étaient des « cavaliers sociaux », car leur impact était nul ou mineur sur l’équilibre budgétaire de la Sécurité sociale.

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