La journaliste marocaine Hanane Bakour a comparu lundi pour la huitième fois devant le tribunal de première instance de Sale, dans le cadre d’un procès qui dure depuis trois ans et dans lequel le parti au pouvoir au Maroc, le Rassemblement national des indépendants (RNI), a intenté une action en justice contre elle pour « diffamation et injure ».
La séance d’hier a révélé que l’affaire était supervisée par Aziz Akhannouch, le chef du gouvernement marocain. Mme Bakour a partagé sur ses réseaux sociaux un document signé par M. Akhannouch, montrant qu’il a chargé Younes Abchir, directeur adjoint du siège central du RNI, de représenter le parti devant le tribunal.
« Lors de la séance d’aujourd’hui, il a été confirmé par des preuves tangibles et concluantes que le chef du gouvernement est à l’origine de la plainte déposée contre moi », a écrit hier la journaliste dans un post Facebook, soulignant que le document porte la signature d’Akhannouch.
Reprochant à M. Akhannouch d’avoir autorisé une autre personne à assister aux audiences du procès et à « s’accrocher à la plainte », elle rappelle que l’article 14 de la loi fondamentale du RNI stipule que le président du parti doit assumer le devoir de « représenter le parti auprès des institutions constitutionnelles et des autorités gouvernementales, administratives et judiciaires ».
En outre, Mme Bakour, qui a travaillé comme journaliste pendant 17 ans dans plusieurs médias marocains, a critiqué M. Akhannouch pour son « silence radio » face aux plaintes et aux protestations des Marocains contre l’inflation et la flambée des prix des carburants et des produits de base.
Alors que le chef du gouvernement n’était ni vu ni entendu lorsque les Marocains continuaient à exprimer leur frustration et leur mécontentement face à l’aggravation de la crise du coût de la vie, a-t-elle ajouté, il a « trouvé le temps de discuter et de signer une autorisation d’intenter une action en justice contre une journaliste pour avoir exercé son droit à l’expression ».
RNI accuse Mme Bakour de « publier des fake news en utilisant des moyens électroniques qui portent atteinte à la vie privée », en référence à un post Facebook que la journaliste a partagé en 2021.
Dans ce message, elle critiquait le parti au pouvoir pour avoir organisé des élections locales qui se sont soldées par l’élection de Mbarka Bouaida en tant que nouveau président du conseil du parti dans la région de Guelmim-Oued Noun, alors qu’un membre du RNI a été grièvement blessé par un coup de feu à son domicile.
De nombreux journalistes, personnalités et militants marocains ont exprimé leur solidarité avec Mme Bakour, certains accusant le gouvernement de s’en prendre aux journalistes.
Amnesty International a publié lundi une déclaration demandant que les « accusations forgées de toutes pièces » contre la journaliste soient « rejetées immédiatement et que les poursuites engagées contre elle soient abandonnées ».
« Il est choquant, lourd et absurde qu’une journaliste soit inculpée pour avoir publié sur Facebook un message critique à l’égard du principal parti politique du Maroc », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Hanane Bakour a le droit d’exprimer ses opinions, même si les responsables politiques s’y opposent. »