Dans son édition à paraître ce samedi, le quotidien français Le Monde s’est penché sur le cas de l’Algérie en lui consacrant les deux premières pages de son édition du Week-end. Le « retour » de la répression y est mentionné, mais aussi la phase dictatoriale, et l’incapacité du régime à fédérer qui l’a conduit à serrer la vis contre toute forme de critique pour se donner une légitimité forcée.
Suite à l’exfiltration de l’opposante Amira Bouraoui par les autorités françaises en Tunisie, les relations franco-algériennes sont non seulement sur un retour à la case départ, la détérioration va encore plus loin avec la presse française qui réplique avec force à la colère d’Alger.
En Algérie, en pleine répression, « la peur fait son grand retour », a titré le quotidien français, qui a fait fi de la continuité de cette même répression qui s’est abattue sur les citoyens algériens depuis 2019 avec l’arrivée au pouvoir du controversé Abdelmadjid Tebboune, »il faut se résoudre à l’évidence : l’Algérie a basculé dans une nouvelle ère. Cette « Algérie nouvelle » dont le président Abdelmadjid Tebboune – élu en décembre 2019 – a fait son slogan consacre en fait un grand saut en arrière politique », a écrit le quotidien français, « ce fut un ébranlement de la société algérienne sans précédent depuis l’accession à l’indépendance de 1962 » indique le Monde.
Entre Paris et Alger qui se sont aussitôt rabibochées aussitôt séparées, la presse française s’est soudain réveillée pour parler de la situation dramatique des droits de l’Homme en Algérie, de la liberté d’expression et l’Etat algérien qui sévit contre toute forme d’opposition forçant des milliers de leaders d’opinion, blogueurs, journalistes et opposants à quitter le pays pour aller en France, au Canada, en Grande-Bretagne…
Les opposants en Algérie « fuient à grande échelle » parce que l’atmosphère y est devenue « irrespirable ». Un pays « en pleine dérive autoritaire où l’arrestation guette à tout instant », indique la publication en s’attardant sur le cas des membres du Hirak, le mouvement né en 2019 avec des manifestations contre le cinquième mandat de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika, qui s’est plus tard transformé en revendication de démocratie et des appels au changement de régime.
« Alger tente d’endiguer cette vague de départs de peur que ces opposants, une fois à l’étranger, diffusent largement les informations sur la répression », souligne Le Monde, en citant un intellectuel algérien sous couvert d’anonymat : « Le régime n’apprécie guère que la communauté internationale mette son nez dans les droits de l’homme en Algérie », ce qui explique les interdictions de sortie du territoire national prononcées par les tribunaux.
« C’est un régime nettement plus autoritaire qu’avant. Il était autoritaire, mais avec des marges de manœuvre pour les libertés. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une phase dictatoriale », a déclaré le professeur de droit public à l’université de Picardie Jules Verne, l’Algérien Mouloud Boumghar.
Le but du régime algérien « est de terroriser tous ceux qui voudraient garder à l’esprit cette idée de changement de gouvernance politique et de faire croire que le Hirak est dirigé par Rachad », a-t-il affirmé.
Et de conclure qu’il ne reste à ceux qui tiennent les rênes du pays « que la coercition, l’exacerbation du chauvinisme et un projet conservateur (…) on flatte une forme d’identité fantasmée, présentée comme assiégée ».
La relation entre Paris et Alger, soumise à des fluctuations cycliques, est entrée dans une nouvelle période de crise, beaucoup parlent d’un « retour à la case départ » entre l’Algérie et la France, mais, les relations personnelles entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont pour leur part résisté à plusieurs ouragans qui auraient pu créer des crises diplomatiques graves entre les deux pays, et où la colère de façade d’Alger n’est pas allée bien loin. Ce nouvel épisode a tout l’air d’être une histoire qui se répète.