Des agents algériens envoyés à Tunis pour gonfler un rassemblement pro-Kais Saied

La Tunisie, sous le règne de Kais Saied, n’apparaît plus comme un État pleinement souverain, mais plutôt comme un espace ouvert à l’influence d’un régime militaire algérien en quête d’un prolongement politique au-delà de ses frontières. Ce qui s’est produit sur l’avenue Habib Bourguiba, le 17 décembre, n’avait rien d’un rassemblement spontané ou d’une démonstration de soutien populaire : il s’agissait d’une mise en scène soigneusement construite, financée et guidée par un pouvoir habitué à exporter ses crises plutôt qu’à les résoudre.

Lorsque les Tunisiens sont sortis, ce week-end pour dénoncer l’autoritarisme et l’État carcéral instauré par Kais Saied, ce dernier n’a trouvé d’autre refuge que l’appui extérieur. Ne pouvant s’appuyer sur une légitimité populaire – puisqu’elle n’existe plus – il a fait appel à son « protecteur régional » : l’Algérie.

En outre, des foules ont été acheminées en bus, non pas depuis les quartiers tunisiens défavorisés, mais depuis l’autre côté de la frontière. Une première grave qui révèle l’ampleur de la dépendance politique. Quel régime est incapable de mobiliser ses propres soutiens sur son territoire, au point d’importer des manifestants d’un pays voisin ? Et quel président commémore l’anniversaire d’une révolution ayant renversé la dictature grâce aux instruments d’une domination étrangère ?

Les Algériens descendus au cœur de la capitale tunisienne n’étaient pas là pour faire du tourisme, contrairement à ce que prétendent les relais médiatiques du régime algérien. Ils étaient là pour accomplir une mission politique trouble : discréditer l’opposition tunisienne, redorer l’image d’un président isolé et laisser croire, à l’intérieur comme à l’extérieur, que Kais Saied bénéficie encore d’un soutien populaire.

Une mise en scène médiocre, certes, mais révélatrice. L’Algérie, qui réprime les manifestations sur son propre sol et assimile tout rassemblement pacifique au « terrorisme », s’autorise à exporter des manifestants en Tunisie. Un système qui redoute son propre peuple au point d’être paralysé, mais qui n’hésite pas à intervenir à l’extérieur pour soutenir des régimes qui lui ressemblent.

Le choix de l’avenue Habib Bourguiba n’est pas anodin. Il s’agit du cœur de la révolution, du symbole redouté par tout autocrate. Interdire aux Tunisiens d’y manifester, puis l’offrir à des foules importées, revient à proclamer ouvertement que la révolution n’appartient plus aux Tunisiens, mais qu’elle est confisquée par un axe autoritaire régional.

En réalité, Kais Saied n’est plus un président maître de ses décisions. Il est désormais dépendant du soutien algérien : quelques aides financières, du gaz, en échange d’un alignement politique complet.

La Tunisie, jadis foyer de liberté dans la région, se retrouve contrainte au rôle de vassale, exécutant un agenda fixé par un régime algérien isolé, privé de légitimité, et cherchant tout partenaire partageant sa peur viscérale des peuples.

Ce qui se joue n’est pas seulement une ingérence dans les affaires tunisiennes : c’est une reconfiguration régionale fondée sur un principe clair — l’alliance des régimes contre leurs populations.

La Tunisie et l’Algérie apparaissent aujourd’hui comme deux versions d’un même modèle de pouvoir contesté, reposant sur une base sociopolitique fragile, des taux de participation électorale dérisoires et une coercition policière qui peine à masquer la vulnérabilité du système.

Reste une question essentielle : jusqu’où les Tunisiens accepteront-ils que leur pays devienne une province politique dépendante de l’armée algérienne ? Les peuples peuvent se taire, mais ils n’oublient pas. Et les rues fermées par des bus aujourd’hui s’ouvriront demain par une volonté qui, elle, ne s’importera jamais de l’extérieur.

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