Akharbach alerte sur la montée de la désinformation face au recul de la presse professionnelle

La présidente de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA), Latifa Akharbach, a mis en garde contre l’augmentation de l’exposition du public à la désinformation et l’aggravation de sa vulnérabilité face aux stratégies d’influence, y compris étrangères, en raison du recul du rôle de médiation assuré par la presse professionnelle dans l’accès à l’information.

S’exprimant à l’ouverture d’une rencontre placée sous le thème « La lutte contre les fake news : approches et visions croisées », tenue le mercredi 17 décembre 2025, Akharbach a indiqué que les réseaux sociaux sont devenus la principale porte d’entrée vers l’information pour 26,9 % des Marocains, suivis par la presse électronique avec 4,7 %, puis par la presse écrite et la radio, qui ne dépassent pas 1 % chacune.

Elle a précisé que ces données, issues de l’enquête nationale sur les indicateurs des technologies de l’information et de la communication auprès des ménages et des individus, révèlent qu’une large majorité des citoyens évolue désormais dans un environnement numérique permanent, même si la télévision nationale et étrangère conserve une place importante, avec un taux de recours de 66,3 %.

Selon la responsable, le recul de la presse en tant que source privilégiée d’information prive les citoyens des garanties éditoriales fondamentales qui caractérisent le journalisme professionnel, notamment la vérification des faits, la hiérarchisation de l’information selon son importance et la mise en contexte des événements. Elle a également alerté sur le fait que les plateformes numériques exercent désormais, au sein de l’espace public médiatique, un pouvoir déterminant en matière d’arbitrage éditorial, principalement à travers des mécanismes algorithmiques dictés par des logiques commerciales.

Latifa Akharbach estime que cette situation est « inacceptable du point de vue des droits humains fondamentaux », rappelant que l’information constitue un bien public, dont le traitement devrait répondre en priorité à l’intérêt général des sociétés, ainsi qu’aux principes de responsabilité, de transparence et de pluralisme.

Elle a par ailleurs souligné que le développement accéléré des technologies de l’intelligence artificielle, dans un contexte marqué par un retard de l’encadrement juridique et l’absence de principes de gouvernance mondiale contraignants, « accentue la fragilité de l’écosystème médiatique et la capacité de la société à subir des dérives informationnelles ».

La présidente de la HACA a estimé que l’usage croissant de l’intelligence artificielle au sein de la société et des rédactions, en l’absence de cadres juridiques adaptés et sans sensibilisation suffisante aux risques liés à cette technologie, certes impressionnante mais non infaillible, constitue aujourd’hui « un facteur majeur d’amplification de la désinformation ».

Elle a soulevé plusieurs questions qu’elle a qualifiées de « fondamentales », appelant à y apporter des réponses claires et courageuses, notamment : quel soutien réel à la presse professionnelle, dans le respect de son indépendance éditoriale et de son rôle essentiel de contre-pouvoir ? Quelle formation pour les journalistes afin de leur permettre de faire face aux risques médiatiques liés aux technologies émergentes et aux interférences numériques ?

Akharbach s’est également interrogée sur la mise à jour des cadres de régulation afin de protéger la société sans entraver l’innovation ni porter atteinte à la liberté d’expression, insistant sur la nécessité d’une régulation plus équitable et transparente du marché publicitaire, profondément déséquilibré par l’essor des plateformes numériques globales, et pourtant vital pour la viabilité économique des médias.

Elle a enfin souligné l’urgence de généraliser l’éducation aux médias et au numérique, qu’elle considère comme une condition indispensable à l’exercice libre, critique et responsable des droits informationnels par les citoyens.

Appelant à une mobilisation immédiate pour apporter des réponses à ces enjeux, Latifa Akharbach a rejeté toute « tendance au statu quo », estimant que la phase actuelle exige une politique publique volontariste, claire dans ses objectifs et dotée de moyens adéquats, afin de bâtir une véritable résilience médiatique.

Selon elle, inciter les acteurs numériques à adopter des pratiques responsables est devenu « une urgence incontournable », dans la mesure où le rôle croissant des plateformes dans l’accès à l’information a un impact direct sur la qualité du débat public et l’intégrité de la vie politique.

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