Bourita à l’agence EFE : l’autodétermination ne se limite pas au référendum

Depuis la capitale espagnole, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a livré à l’agence EFE une lecture sans ambiguïté de la dernière résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara. Pour Rabat, un tournant stratégique est amorcé : l’autonomie sous souveraineté marocaine s’impose désormais comme le socle irréversible de toute solution politique. Une position que le chef de la diplomatie marocaine défend avec constance, tout en appelant à tourner définitivement la page des lectures « restrictives et anachroniques » de l’autodétermination.

Adoptée le 31 octobre dernier, la résolution onusienne représente, selon Bourita, une rupture nette avec les approches antérieures. Pour la première fois, affirme-t-il, l’ONU a balisé avec précision les paramètres du règlement du conflit : la base des négociations, désormais clairement arrimée au plan d’autonomie marocain de 2007, leur objectif final – une véritable autonomie sous souveraineté marocaine – ainsi que les parties prenantes appelées à la table : le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Front Polisario. « Nous avons enfin une feuille de route claire, un cadre défini et un objectif identifié », se félicite-t-il.

Dans ce contexte, la position de l’Espagne apparaît comme un appui diplomatique majeur. Rabat salue la clairvoyance du président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, qui avait reconnu dès 2022 le plan marocain comme une base « sérieuse et crédible » pour la solution. Une orientation désormais confortée, selon Bourita, par l’aval explicite du Conseil de sécurité.

Mais pour le Royaume, l’heure n’est plus à la simple initiative diplomatique. Le plan d’autonomie, conçu en 2007, sera bientôt « actualisé et élargi ». Dix-huit années ont profondément transformé le Maroc : nouvelle Constitution en 2011, régionalisation avancée en 2015, nouveau modèle de développement… Autant d’évolutions institutionnelles et économiques qui imposent, selon le ministre, une refonte détaillée du projet d’autonomie afin de l’adapter aux réalités d’aujourd’hui. « Ce qui était une initiative devient désormais un véritable plan opérationnel », insiste-t-il.

Cette nouvelle version fera l’objet d’un large consensus national. Des consultations ont déjà été menées avec les partis politiques, car la question « concerne tous les Marocains », souligne Bourita. Une fois finalisé, ce plan actualisé sera présenté aux partenaires concernés, ouvrant la voie à des négociations formelles sous l’égide des Nations unies.

Sur la présence du Front Polisario à la table des discussions, le chef de la diplomatie marocaine se veut pragmatique : la résolution a clairement identifié les quatre parties appelées à négocier. Le Maroc, affirme-t-il, s’inscrira strictement dans ce cadre, sans condition préalable. Pour l’heure, aucun calendrier n’est arrêté. Rabat attend l’activation officielle du processus par les instances compétentes, sachant que les États-Unis sont explicitement désignés pour accueillir ces négociations.

Au cœur des débats figure une question sensible : l’autodétermination. Bourita rejette fermement toute assimilation mécanique entre ce principe et l’organisation d’un référendum. « L’autodétermination, c’est l’expression d’une volonté, et cette volonté peut se traduire autrement que par un vote », tranche-t-il. À ses yeux, un accord politique librement négocié et signé constitue en soi une expression légitime de cette volonté. Il dénonce ainsi les interprétations « politiques et orientées » qui, selon lui, instrumentalisent ce principe à des fins idéologiques.

Le ministre insiste également sur la légitimité juridique du plan marocain, soutenu par plusieurs puissances internationales, dont l’Espagne, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore l’Allemagne. Autant de soutiens qui, selon lui, prouvent que l’initiative marocaine est pleinement conforme à la légalité internationale et à la Charte des Nations unies.

Sur le plan bilatéral, les discussions de Madrid ont également permis d’aborder la question de la gestion de l’espace aérien du Sahara, toujours administrée par l’Espagne. Un groupe de travail conjoint a déjà enregistré des avancées, précise Bourita. Pour Rabat, toute situation « anachronique » doit être révisée à la lumière du partenariat renouvelé entre les deux pays, fondé sur la confiance mutuelle, le respect et l’ambition stratégique commune. « Le Maroc et l’Espagne ont aujourd’hui la maturité nécessaire pour résoudre, ensemble, toutes les questions, même les plus sensibles », affirme-t-il.

À travers cet entretien, le message de Rabat apparaît limpide : la résolution onusienne marque un moment charnière, où l’autonomie devient non plus une option parmi d’autres, mais l’horizon exclusif du règlement du différend. Une nouvelle phase diplomatique s’ouvre, placée sous le sceau du réalisme politique, de la responsabilité régionale et d’une volonté affirmée de clore définitivement un dossier vieux de plusieurs décennies.

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