Le ministre marocain de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a tiré la sonnette d’alarme sur l’état obsolète de la loi sur l’indemnisation des accidents de la route, en vigueur depuis 1984. Selon lui, le cadre actuel n’est plus adapté aux évolutions de la société et du secteur des transports, et ne permet plus de répondre efficacement à l’ampleur des accidents.
Lors d’une séance plénière à la Chambre des représentants, le ministre a rappelé que cette loi « n’a subi aucune modification depuis sa promulgation, malgré les profondes transformations du pays et le nombre croissant d’accidents ». En 2024, le Maroc a enregistré 655 360 accidents de la route, dont 143 293 ont provoqué des blessures et 4 024 des décès. Le coût des indemnisations et des soins liés aux victimes a atteint entre 7,9 et 9 milliards de dirhams.
Le ministre a souligné les limites des solutions à l’amiable et de la médiation entre compagnies d’assurance et victimes, qui n’ont permis de traiter que 26 % des dossiers. L’émergence de nouveaux moyens de transport, comme les tramways, les voitures autonomes et les drones, impose selon lui une modernisation urgente de la loi. « La question est désormais : lorsqu’un accident survient, qui est responsable ? », a-t-il lancé.
Parmi les changements majeurs envisagés, l’indemnisation sera calculée selon trois critères : le taux d’invalidité, l’âge et le revenu de la victime. Le ministère prévoit également de revoir la notion de revenu, jusqu’alors ambiguë, pour inclure toutes les sources pertinentes et éviter les conflits de jurisprudence.
Les nouvelles dispositions élargissent les bénéficiaires de l’indemnisation : les personnes à charge, les conjoints non salariés, ainsi que les élèves, étudiants et stagiaires jusqu’à 18 ans et plus s’ils suivent une formation. Le salaire minimum pris en compte pour les indemnisations, resté inchangé à 9 270 dirhams depuis 1984, sera porté à 14 000 dirhams avec un mécanisme de révision tous les trois ans.
Parmi les autres innovations, la suppression du fractionnement de responsabilité dans les frais d’obsèques a été annoncée. « Pour une personne décédée, il est inacceptable de réduire l’indemnisation sous prétexte d’une responsabilité partielle », a affirmé le ministre.
Le ministère prépare également une plateforme numérique intégrant un calculateur d’indemnisation, permettant aux victimes d’obtenir rapidement le montant auquel elles ont droit. Le recours à un avocat ne sera pas obligatoire, laissant à chacun la liberté de se représenter seul ou accompagné.
La réforme prévoit aussi une modernisation du système d’expertise médicale, avec la mise en place d’expertises conjointes impliquant le médecin chargé, le représentant de l’assurance et la victime, et la possibilité pour celle-ci de désigner un expert indépendant.
Abdellatif Ouahbi a insisté sur l’objectif de cette réforme : « Instaurer une justice plus équitable pour les victimes d’accidents de la route et mettre à jour une loi restée rigide pendant plus de quarante ans. »
Avec ces mesures, le Maroc s’engage vers un système plus clair, transparent et adapté aux défis contemporains du transport et de la sécurité routière, offrant aux victimes un cadre juridique moderne et protecteur.






