« Je contrôle chacun de mes mots  » : le retour prudent de Boualem Sansal en France

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, gracié le 12 novembre après un an de détention en Algérie, s’est exprimé pour la première fois depuis son retour en France. Invité dimanche soir sur France 2, l’auteur a confié que retrouver une vie d’homme libre restait « complexe », décrivant un quotidien qu’il réapprend « par petites touches », avec « des senteurs et des murmures » qu’il redécouvre. Âgé de 81 ans, il a assuré être « en bonne santé » après avoir bénéficié de soins « impeccables » pour son cancer de la prostate.

Très mesuré dans ses propos, Boualem Sansal a reconnu « contrôler chacun de [ses] mots » en raison des tensions persistantes entre Paris et Alger, tout en exprimant sa solidarité envers Christophe Gleizes, le journaliste français encore détenu en Algérie. « Je ne parle pas de manière naturelle… je pense à ceux qui sont encore en prison », a-t-il déclaré, évoquant également sa crainte pour sa famille et pour ses anciens codétenus.

L’écrivain est revenu sur ses conditions d’incarcération, décrivant « une vie très dure », marquée par l’épuisement et une sensation de mort lente. Il a relaté son arrestation en 2024, survenue dès sa sortie de l’aéroport : « Ils m’ont mis une cagoule sur la tête… pendant six jours, je n’ai pas su où j’étais. »

Selon lui, sa libération ne lui a été annoncée que la veille, au terme d’un entretien avec un responsable qu’il a identifié comme un haut gradé ou un membre des services de sécurité. « On me demandait si j’allais continuer à critiquer l’Algérie. J’ai répondu que je ne critiquais pas un pays, mais un régime. »

Dans un entretien accordé parallèlement à un média français, Boualem Sansal estime que son arrestation est directement liée à la décision de Paris de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara, ainsi qu’à son amitié avec l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt. Sur France 2, il a toutefois insisté sur son attachement à une réconciliation durable entre la France et l’Algérie : « Soixante ans après, on continue d’agiter les discours de la guerre de libération. »

Revenu en France mardi, après un passage par Berlin pour y recevoir des soins, l’écrivain a été accueilli dès son arrivée par Emmanuel Macron. Il avait été condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale » en raison de déclarations faites en octobre 2024, affirmant que certaines régions de l’ouest algérien avaient historiquement appartenu au Maroc.

Figure majeure de la littérature nord-africaine et critique résolu du pouvoir algérien, Boualem Sansal voit ainsi se clore un épisode qui avait contribué à envenimer une crise diplomatique ouverte entre Paris et Alger depuis l’été 2024.

Related Posts

Leave A Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *