Des centaines de journalistes ont manifesté près du siège de la présidence du gouvernement à Tunis, pour dénoncer les restrictions à la liberté de la presse et la répression médiatique, exigeant l’arrêt des poursuites et la libération de leurs collègues détenus. Les manifestants ont scandé des slogans tels que « La carte de presse n’est pas un privilège », affirmant que l’escalade répressive ne fera pas taire les voix libres.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens, à l’origine de l’appel à la mobilisation, a dénoncé des campagnes visant à faire taire la presse indépendante et à la soumettre, alertant sur le recul des libertés depuis la concentration des pouvoirs par le président Kais Saied en juillet 2021.
Le président du syndicat, Zied Dabbar, a affirmé : « Nos collègues sont punis simplement pour avoir fait leur travail, cette campagne ne nous intimidera pas », soulignant que les journalistes ont le devoir de révéler les injustices sans crainte.
L’ancien président du syndicat, le journaliste Mehdi Jelassi, a qualifié la situation de « pire période pour la presse tunisienne depuis la Révolution de 2011 », évoquant « une vague sans précédent de répression et de restrictions à la liberté d’expression, et l’emprisonnement de journalistes à l’issue de procès inéquitables ».
Le photojournaliste indépendant Noureddine Ahmed a estimé que la presse « tire la sonnette d’alarme », indiquant que les journalistes sont empêchés de couvrir les activités du gouvernement, du Parlement et même les événements de rue faute d’autorisations de tournage.
Les manifestants ont également dénoncé l’absence de cartes professionnelles pour l’année 2025 et la suspension des autorisations de tournage pour la presse étrangère depuis quatre mois, entravant leur travail et exposant certains à des arrestations.
Le syndicat a par ailleurs accusé les médias publics de s’être transformés en outils de propagande du pouvoir, abandonnant leur rôle pluraliste. La journaliste Amira Mohamed (Mosaïque FM) a indiqué qu’environ 40 journalistes font l’objet de poursuites, certains étant déjà incarcérés.
Au moins cinq journalistes sont actuellement emprisonnés, tandis que d’autres, ainsi que des militants et blogueurs, sont visés par des enquêtes judiciaires en lien avec des publications critiques sur les réseaux sociaux ou des reportages dénonçant la gestion gouvernementale.
De son côté, la ministre de la Justice Leila Jaffel a affirmé qu’aucune poursuite n’est liée à la liberté d’expression, mais à des faits de diffamation et d’insultes. Le président Saïed a lui aussi nié cibler la presse, assurant qu’il « ne deviendra pas dictateur ».
Cependant, les détracteurs du pouvoir estiment que les décrets adoptés depuis 2021 ont affaibli les garanties démocratiques et permis des poursuites fondées sur des accusations vagues.
Les autorités ont récemment suspendu les sites Inkyfada et Nawaat, dans le cadre de mesures visant une vingtaine d’ONG accusées de recevoir des « fonds suspects ». Plusieurs opposants ont également été arrêtés en vertu du décret 54, qui criminalise la diffusion de « fausses informations ».
Par ailleurs, de nombreux journalistes locaux et étrangers ont été empêchés d’accéder aux tribunaux pour couvrir les procès de figures politiques et médiatiques de l’opposition, ce qui a contribué à la dégradation du classement de la Tunisie dans l’indice mondial de la liberté de la presse, passant de la 118ᵉ à la 129ᵉ place sur 180 pays en 2025.






