Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a ouvert sa visite au ministère de la Défense nationale par des déclarations qui ont suscité un vif intérêt politique et médiatique, évoquant une “ingérence d’un pays du Golfe” dans les affaires internes de l’Algérie, sans le nommer explicitement, mais laissant entendre qu’il s’agissait d’une puissance régionale “impliquée dans des tentatives de déstabilisation” visant l’unité du pays.
S’adressant aux hautes autorités militaires, Tebboune a affirmé que les relations de l’Algérie avec la plupart des États du Golfe reposent sur la fraternité et la coopération, tout en soulignant qu’il existe “une exception”, une “seule nation” qu’il a préféré ne pas citer. Ce passage a été largement interprété comme une allusion directe aux Émirats arabes unis, dont les relations avec Alger connaissent un refroidissement silencieux depuis plusieurs mois.
“L’Algérie n’acceptera jamais d’ingérence étrangère dans ses affaires internes, pas même de la part des grandes puissances”, a averti le président, ajoutant sur un ton ferme : “Celui qui veut préserver la fraternité doit savoir où sont les limites.” Une phrase perçue par de nombreux observateurs comme un message clair adressé à Abou Dhabi.
Cette mise en garde survient sur fond de tensions diplomatiques et médiatiques persistantes entre les deux pays. L’incident le plus marquant remonte à mai dernier, après les propos du historien algérien Mohamed Amine Belghith, financé par des institutions de recherche émiraties, qui avait décrit l’identité amazighe comme un “projet sioniste et français”. Ses déclarations avaient provoqué un tollé national et conduit à son arrestation pour atteinte à l’unité nationale.
En réaction, la télévision publique algérienne avait qualifié les Émirats arabes unis de “petit État artificiel”, marquant un tournant inédit dans le ton officiel d’Alger à l’égard d’un pays du Golfe. Abou Dhabi, de son côté, avait dénoncé ces propos comme “une dérive diplomatique inacceptable”, plongeant les relations bilatérales dans une phase de tension ouverte et de méfiance mutuelle.
En arrière-plan, la crise dépasse les simples déclarations médiatiques. Elle s’inscrit dans un rapport de forces géopolitique plus large, notamment autour des ressources énergétiques et des zones d’influence en Afrique du Nord et de l’Ouest. Les Émirats, très actifs au Maroc, ont récemment signé des accords stratégiques avec la société Mubadala pour l’exploration pétrolière et gazière au large des côtes marocaines, et annoncé leur participation au financement du gazoduc Nigeria-Maroc, d’un coût estimé à 25 milliards de dollars.
Ce projet, perçu par Alger comme un concurrent direct à ses propres routes énergétiques vers l’Europe, s’ajoute à la position d’Abou Dhabi favorable à la marocanité du Sahara, autant d’éléments qui expliquent les sous-entendus de Tebboune dans son discours.
Souhaitant maintenir une apparence d’équilibre, le président algérien a conclu son intervention en réaffirmant la volonté de l’Algérie de préserver ses relations fraternelles avec les pays arabes et amis, tout en appelant à la vigilance face aux tentatives d’exploitation politique des défis internes et à la préservation de la stabilité nationale.