Plusieurs villes marocaines ont été le théâtre, durant le week-end, de vastes manifestations de jeunes appartenant à ce que l’on appelle la « Génération Z ». Ces manifestations, qui trouvent un prolongement ce mardi à travers de nouveaux appels à la rue, se sont déroulées dans un climat marqué par un silence gouvernemental assourdissant, aucune voix officielle n’ayant daigné éclairer la position de l’exécutif face à cette montée de la contestation sociale.
Pour de nombreux observateurs, ce mutisme réitère une constante : la tendance du gouvernement conduit par Aziz Akhannouch à esquiver les crises par le repli plutôt que par l’affrontement direct des réalités. Cette posture, que certains qualifient de « politique de l’autruche », révèle une incapacité manifeste à dialoguer avec la société et à répondre aux aspirations pressantes des citoyens.
Les slogans scandés samedi et dimanche et lundi dernier dénonçaient la précarité socio-économique et les difficultés du quotidien. Pourtant, aucun membre du cabinet d’Akhannouch ne s’est présenté pour apporter explications ou apaisements. L’opposition y voit la confirmation de l’échec d’un gouvernement qui s’était pourtant institué en champion de « l’État social ».
Cette carence communicationnelle illustre, selon les analystes, un dysfonctionnement structurel dans la gestion des crises. Or, elle est d’autant plus lourde de conséquences que les protestataires sont issus d’une génération numérique, informée en temps réel et encline à exiger des réponses immédiates et tangibles, plutôt que les silences prolongés et opaques qui semblent caractériser l’action gouvernementale.
Il ne s’agit nullement d’un fait inédit. En septembre 2023, au lendemain du séisme meurtrier d’Al Haouz, l’absence de communication officielle avait suscité un profond ressentiment, les Marocains avaient attendu plusieurs jours avant d’apercevoir leurs ministres, pendant que d’autres dirigeants étrangers se rendaient dès les premières heures auprès des sinistrés. Beaucoup avaient perçu cette défaillance comme une blessure supplémentaire infligée aux victimes, sapant la confiance envers l’exécutif.
L’histoire s’est répétée un an plus tard, en septembre 2024, lors des événements de Fnideq, marqués par des tentatives massives de franchissement vers Ceuta et des heurts avec les forces de l’ordre. Là encore, les membres du gouvernement se sont murés dans un silence jugé incompréhensible.
Aujourd’hui, la contestation de la « Génération Z » place l’exécutif face au même procès : absence de réaction, absence de dialogue, absence même d’initiative pour ouvrir des canaux de communication avec une jeunesse en quête de reconnaissance et d’écoute.
Ce vide communicationnel, estiment les observateurs, alimente le doute quant à la capacité réelle de l’équipe Akhannouch à accompagner les dynamiques sociales nouvelles. À l’heure où un public jeune, connecté et politisé réclame transparence, courage et inventivité, le silence officiel prend l’allure d’un désengagement, sinon d’une déconnexion inquiétante vis-à-vis du pouls de la société.
Juristes, défenseurs des droits humains et figures de l’opposition s’accordent à dénoncer cette stratégie du mutisme, qui loin d’apaiser les tensions, les exacerbe. Pour nombre de citoyens, ce silence ne fait que traduire l’incapacité du gouvernement à formuler une parole crédible face aux défis majeurs du moment : chômage, vie chère et horizons bouchés pour une génération entière.