Animaux errants : le projet de loi 19.25 relance le débat entre santé publique et protection animale
Le projet de loi 19.25, actuellement examiné par la Commission des secteurs productifs de la Chambre des représentants, suscite un vif débat au Maroc. Présenté par le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Ahmed El Bouari, ce texte vise à encadrer la gestion des animaux errants et à prévenir les risques qu’ils peuvent représenter.
S’il est perçu par le gouvernement comme un outil de gestion et de prévention, il est dénoncé par plusieurs associations de protection animale comme une mesure punitive, déconnectée des réalités de terrain.
Un dispositif axé sur la santé et la sécurité publiques
Le projet de loi prévoit un arsenal de mesures :
Obligation pour les propriétaires d’enregistrer leurs animaux sur une plateforme électronique nationale avec attribution d’un numéro d’identification.
Déclaration obligatoire en cas de perte, cession ou décès.
Interdiction de l’abandon.
Création de centres agréés pour la capture, la stérilisation, la vaccination, le soin et l’identification des animaux errants.
Ces centres, gérés par les communes ou des associations agréées, seraient appuyés par une base de données nationale pour renforcer la traçabilité et la coordination. Les sanctions prévues sont lourdes : amendes allant jusqu’à 500.000 dirhams, peines de prison en cas de récidive, et fermeture administrative des structures non conformes. En cas de crise sanitaire, le gouvernement pourrait activer des mesures exceptionnelles.
Une mesure qui cristallise la contestation
La disposition la plus controversée interdit de nourrir ou de soigner un animal errant sans autorisation, sous peine d’une amende pouvant atteindre 3.000 dirhams. Selon l’Exécutif, il s’agit de prévenir les regroupements d’animaux susceptibles de propager des maladies ou de créer des risques pour la population.
Mais pour les associations, cette mesure est injuste : « En l’absence de refuges publics suffisants, ces gestes sont souvent la seule aide dont bénéficient les animaux abandonnés. Sanctionner les citoyens qui agissent, c’est inverser la responsabilité », affirment plusieurs collectifs.
Des moyens insuffisants pour appliquer la loi ?
La mise en œuvre du texte pose également la question des moyens. Les normes exigées pour les centres d’accueil – suivi vétérinaire, personnel qualifié, infrastructures adaptées – nécessitent des ressources financières importantes. Or, la majorité des structures actuelles reposent sur le bénévolat et les dons. Les associations redoutent qu’un délai de mise en conformité trop court ne fragilise leur action et ne laisse davantage d’animaux sans prise en charge.
Entre structuration et réalité du terrain
Le gouvernement défend une logique de santé publique, centrée sur la prévention et la réduction des risques. Les associations, elles, prônent une approche de protection animale et de maintien des gestes de solidarité. Le projet de loi 19.25 se positionne ainsi comme un texte charnière, porteur d’une ambition de structuration, mais confronté à la réalité d’un terrain où l’action publique reste limitée.
Vers une assurance santé animale
En parallèle, certaines compagnies d’assurance innovent en lançant des formules de couverture santé pour animaux de compagnie. La première offre marocaine, destinée aux chiens et chats âgés de trois mois à quinze ans, couvre consultations, chirurgies, médicaments, analyses, hospitalisations et soins préventifs (vaccinations, traitements antiparasitaires). Une indemnité en cas de décès est également prévue. La souscription, 100 % digitalisée, vise à répondre à la hausse des frais vétérinaires et à l’intérêt croissant des propriétaires pour la santé de leurs animaux.