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Financial Times : Le Royaume-Uni renforce Rabat, fragilise Alger

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L’appui récemment exprimé par le Royaume-Uni au plan marocain d’autonomie pour le Sahara marque un tournant dans la dynamique diplomatique régionale, renforçant la position du Maroc tout en accentuant l’isolement d’Alger. Selon un rapport du Financial Times, cette décision constitue un revers de plus pour la diplomatie algérienne, déjà fragilisée par la recomposition des alliances au Maghreb et au Sahel.

En rejoignant les États-Unis et la France — également membres permanents du Conseil de sécurité — dans leur soutien à l’initiative marocaine, Londres consolide le front des grandes puissances en faveur de Rabat. Une configuration qui marginalise davantage l’Algérie, soutien historique du Front Polisario.

« C’est un signal extrêmement clair : presque toutes les grandes puissances occidentales soutiennent désormais le Maroc », a déclaré Riccardo Fabiani, directeur Afrique du Nord à l’International Crisis Group. « C’est la démonstration qu’Alger est isolée. »
Une diplomatie figée dans un environnement en mutation
Depuis des décennies, l’Algérie a érigé la question saharienne en pilier de sa politique étrangère. Une posture jugée rigide face à un monde de plus en plus pragmatique.
Pour Isabelle Werenfels, chercheuse à l’Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité, « tout l’environnement d’Alger est devenu profondément pragmatique, alors que le régime tente encore de maintenir une ligne étrangère fondée sur des principes ». Cette ligne, souligne-t-elle, apparaît aujourd’hui déconnectée des réalités géopolitiques.

Le poids croissant de l’axe Rabat-Abu Dhabi-Tel-Aviv
Le renforcement de l’alliance stratégique entre le Maroc, les Émirats arabes unis et Israël ne fait qu’accentuer les tensions. La normalisation des relations entre Rabat et Tel-Aviv, en 2020, a profondément irrité Alger. L’annonce de manœuvres militaires conjointes et d’un projet de construction d’une usine israélienne de drones au Maroc a nourri la perception d’une menace directe à sa sécurité régionale.

« L’Algérie est particulièrement irritée par cette alliance », note le Financial Times, « qu’elle considère comme une provocation stratégique. »
La rivalité s’exacerbe également sur le plan énergétique. L’implication des Émirats dans le projet de gazoduc reliant le Nigeria au Maroc est perçue comme une tentative de réduire l’influence énergétique d’Alger en Europe.

Relations rompues avec la France
Les tensions ne se limitent pas au Maroc. Avec Paris aussi, le fossé s’est creusé. Après que le président Emmanuel Macron a exprimé son soutien au plan marocain, Alger a rappelé son ambassadeur, suspendu la coopération sécuritaire et migratoire, et annulé une visite présidentielle prévue.

La situation s’est envenimée avec le refus d’Alger de rapatrier certains de ses ressortissants en situation irrégulière en France, ainsi que par la condamnation à cinq ans de prison de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, pour laquelle Macron lui-même avait plaidé en vain.

Les Émirats dans le viseur d’Alger
En mai dernier, la télévision publique algérienne s’est livrée à une violente diatribe contre les Émirats arabes unis, les qualifiant de « micro-État artificiel » et de « fabrique du mal ». Cette attaque s’inscrit dans une série de prises de position hostiles, reflétant l’exaspération croissante d’Alger. Déjà en 2023, le président Abdelmadjid Tebboune dénonçait, sans les nommer, des pays qui « utilisent leur richesse de manière destructrice » pour s’immiscer dans les conflits régionaux.

Une diplomatie à la croisée des chemins
Confrontée à l’érosion de ses alliances traditionnelles et à une influence déclinante dans le Sahel, où la présence russe gagne du terrain, l’Algérie semble piégée dans une logique de confrontation.

« Un rapprochement avec les États-Unis ou la France reste envisageable », estime Riccardo Fabiani. « Mais il est exclu avec le Maroc ou les Émirats, en raison de leur alliance avec Israël. Ce serait incompatible avec la rhétorique nationaliste du régime. »
Dans ce contexte, la diplomatie algérienne apparaît à la fois enfermée dans ses propres dogmes et en décalage croissant avec la réalité stratégique de la région.

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