À quelques jours de la célébration de l’Aïd al-Adha, les marchés nationaux enregistrent une hausse inhabituelle et préoccupante des prix du poulet, lesquels ont atteint 23 dirhams le kilogramme, contre environ 17 dirhams la semaine précédente. Cette flambée soudaine a suscité une vague d’indignation au sein de la population.
Dans une déclaration, Mohamed Aboud, président de l’Association nationale des éleveurs de poulets de chair (ANPC), a souligné le caractère exceptionnel de cette situation. Contrairement aux années antérieures, où la demande en viande blanche diminuait naturellement en raison de la préférence des consommateurs pour les viandes rouges durant cette période, le marché connaît cette année une forte pression haussière sur le poulet, tant en termes de demande que de prix.
Selon Aboud, cette dynamique inflationniste résulte principalement d’un déficit de production au niveau des poussins, considéré comme le véritable moteur de la filière. Ce déficit, estime-t-il, est lié à des déséquilibres structurels profonds, alimentés par la concentration excessive du marché entre les mains de quelques opérateurs, qui exploitent certaines périodes stratégiques pour maximiser leurs gains au détriment de l’équilibre du marché.
Il précise que la disponibilité des poussins détermine directement le volume d’offre en volaille, et que seule une relance de cette production permettrait d’atténuer les tensions sur les prix.
Par ailleurs, le président de l’ANPC a exprimé ses réserves quant à l’absence d’un engagement concret de la part des pouvoirs publics, en particulier dans la mise en œuvre des accords conclus avec les professionnels du secteur. Il affirme que, si les engagements pris étaient respectés, le prix du poulet au Maroc pourrait raisonnablement être aligné sur les standards européens, ne dépassant pas les 15 dirhams par kilogramme.
Il a également attiré l’attention sur la hausse continue du coût des aliments composés, qui grève lourdement les charges des éleveurs, réduit les marges, freine la compétitivité, et encourage l’irruption de nouveaux investisseurs spéculatifs, déconnectés des réalités du métier. Ce contexte, selon lui, menace la durabilité du secteur tout entier, au détriment à la fois des éleveurs et des consommateurs.
Dans un avis détaillé, le Conseil de la concurrence a mis en lumière les graves dysfonctionnements qui affectent le secteur avicole, et qui permettent à un nombre restreint d’acteurs de dominer l’offre et de dicter les prix, au détriment notamment des petits et moyens producteurs, largement dépourvus de leviers d’action face à ces déséquilibres.
Dans son analyse du marché des aliments composés au Maroc, le Conseil révèle que huit entreprises accaparent près de 75 % des parts de marché, tandis que deux groupes dominants contrôlent à eux seuls environ 50 % du volume total, et ce en dépit de l’existence de 48 entreprises actives dans le domaine.
Ce phénomène s’explique, selon le Conseil, par une restructuration progressive du secteur, marquée par la disparition d’un grand nombre d’acteurs historiques depuis les années 1940, et par une stratégie de concentration industrielle adoptée par les principaux groupes afin de bénéficier d’économies d’échelle.
Toutefois, cette situation de quasi-oligopole limite considérablement les possibilités d’innovation, de diversification et de concurrence loyale, restreignant l’éventail de choix disponibles pour les éleveurs et pesant lourdement sur leur rentabilité.