Journée mondiale de l’hémophilie : le Maroc mobilisé pour une prise en charge équitable et inclusive
Sous le slogan évocateur « L’accès pour tous : les femmes et les filles saignent elles aussi », le Maroc se joint, ce jeudi, à la communauté internationale pour célébrer la Journée mondiale de l’hémophilie. Ce rendez-vous annuel, porté par la Fédération mondiale de l’hémophilie, met en lumière les réalités souvent méconnues des personnes atteintes de troubles de la coagulation, tout en appelant à une mobilisation collective pour garantir leur droit à une vie digne et sécurisée.
L’édition 2025 accorde une attention particulière aux femmes et aux jeunes filles, longtemps invisibilisées, dont les souffrances liées à ces pathologies héréditaires restent trop souvent ignorées ou mal diagnostiquées. En écho à cet appel, le ministère marocain de la Santé et de la Protection sociale a lancé une campagne nationale de sensibilisation, ponctuée d’activités éducatives et d’un colloque scientifique réunissant l’ensemble des acteurs de la chaîne de diagnostic, de soins et d’accompagnement.
Car l’hémophilie ne se résume pas à une anomalie génétique rare. C’est une épreuve quotidienne, marquée par des hémorragies externes ou internes parfois fatales, surtout en l’absence de suivi médical régulier et de traitements adaptés. Selon les données de la Fédération mondiale, plus de 1,125 million de personnes à travers le monde en sont atteintes, mais seuls 30 % d’entre elles bénéficient d’une prise en charge adéquate. L’hémophilie de type A, la plus répandue, représente quatre à cinq fois plus de cas que celle de type B, ce qui en fait une priorité sanitaire internationale.
Au Maroc, les estimations font état d’environ 3 000 personnes vivant avec l’hémophilie, dont plus de 1 000 suivies dans des structures de soins spécialisées. Le lancement, en 2010, du programme national de prévention et de prise en charge des hémophilies a marqué un tournant décisif, avec la création de 17 centres dédiés, répartis entre six pôles hospitaliers universitaires de référence et 11 centres de proximité régionaux et provinciaux.
Ces dernières années ont vu des avancées notables : amélioration de la formation des professionnels de santé, élargissement de l’accès aux médicaments, et réduction significative des complications graves, notamment chez les enfants. Toutefois, un angle mort persiste : celui des femmes et des filles. Leurs symptômes sont fréquemment minimisés, mal interprétés ou simplement ignorés, entraînant des retards de diagnostic aux conséquences parfois irréversibles.
Certaines affections comme la maladie de von Willebrand, les déficits rares en facteurs de coagulation ou les troubles héréditaires des plaquettes demeurent peu prises en compte dans les politiques de santé publique, bien qu’elles compromettent lourdement la qualité de vie de celles qui en souffrent. D’où l’urgence d’intégrer une approche sensible au genre dans les stratégies de diagnostic et de soins, afin d’assurer une véritable équité thérapeutique.
La Journée mondiale de l’hémophilie n’est pas seulement un temps de commémoration. Elle est une invitation à mesurer les progrès accomplis, mais aussi à renforcer les synergies entre institutions, société civile et professionnels de santé. Car le succès d’une politique sanitaire ne se juge pas uniquement au nombre de centres ou de traitements disponibles, mais à sa capacité à atteindre chaque patient et chaque patiente, sans distinction de genre, de lieu ou de condition sociale.
Il est plus que jamais nécessaire d’investir dans la formation continue, de créer des réseaux de soutien psychologique et social, et de bâtir une solidarité active autour des personnes atteintes de troubles de la coagulation. Pour que vivre avec l’hémophilie ne soit plus un fardeau solitaire, mais un combat collectif porté par l’équité, la dignité et l’espoir.