Un tribunal de Nouakchott a condamné mercredi en appel à quinze ans de prison ferme l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, jugé en seconde instance depuis novembre 2024 pour avoir abusé de son pouvoir afin d’amasser une immense fortune.
M. Aziz, condamné en première instance en décembre 2023 à cinq ans de prison ferme, comparaissait en appel depuis le 13 novembre 2024 aux côtés d’une dizaine de hauts responsables et de proches, dont deux anciens Premiers ministres, d’anciens ministres et des hommes d’affaires, pour « enrichissement illicite », « trafic d’influence » ou « blanchiment ».
La cour a également confirmé la confiscation des biens de M. Aziz, qui a dirigé le pays de 2008 à 2019, et la déchéance de ses droits civiques, lors de l’audience qui s’est déroulé sous haute surveillance policière.
« Cette décision confirme qu’il s’agit purement et simplement d’un dossier politique marqué par le règlement de comptes et non un dossier judiciaire jugeant des faits par la loi », a déclaré à la presse le coordonnateur de la défense de M. Aziz, Me Mohameden ould Icheddou.
Me Icheddou a dénoncé des violations dans la procédure. Il a annoncé le dépôt d’un recours en cassation devant la Cour suprême.
Le parquet avait requis une peine de vingt années de prison ferme contre Mohamed Ould Abdel Aziz qui est resté impassible au moment de l’annonce de la décision.
La cour d’appel a toutefois rejeté les recours du parquet contre les deux anciens Premiers ministres et deux anciens ministres qui avaient été blanchis en première instance.
M. Aziz, 68 ans, est l’un des rares ex-chefs d’Etat condamnés pour enrichissement illicite dans l’exercice du pouvoir. Ses pairs jugés par les justices nationale ou internationale le sont surtout pour des crimes de sang.
Avec cette condamnation en appel beaucoup plus sévère que celle prononcée en première instance, M. Aziz détenu depuis le 24 janvier 2023 après avoir passé plusieurs mois en détention en 2021, poursuit sa descente aux enfers sous son successeur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, l’un de ses plus fidèles compagnons par le passé.
M. Ghazouani a été son partenaire dans le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir en 2008, son ancien chef d’état-major et son ancien ministre de la Défense.
M. Aziz a dirigé jusqu’en 2019 ce pays charnière entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, secoué naguère par les coups d’Etat et les agissements jihadistes mais revenu à la stabilité sous sa conduite.
Il a préparé l’accession à la présidence pour M. Ghazouani et lui a cédé la place à l’issue d’élections en 2019, dans la première transition non imposée par la force pour ce pays abonné aux coups d’Etat depuis son indépendance.
Les enquêteurs ont chiffré au moment de son inculpation en mars 2021 à 67 millions d’euros le patrimoine et le capital que M. Aziz, fils de commerçant, se serait constitués en plus de dix années passées au sommet de ce vaste et pauvre pays sahélien de 4,5 millions d’habitants.
Sans nier être riche, l’ancien président a toujours contesté en bloc les accusations qui pèsent sur lui, criant à la machination pour l’écarter de la vie politique. Son successeur s’est toujours défendu d’ingérence.
Après être resté discret sur l’origine de sa fortune, il avait causé la surprise dans les derniers instants de son procès en première instance en mettant en cause son successeur. Il avait affirmé que, le lendemain de son élection en 2019, M. Ghazouani lui avait remis deux valises remplies de plusieurs millions d’euros.
AFP